Musicien multidisciplinaire niché à Bruxelles, batteur depuis l’âge de 7 ans, pianiste autodidacte et nerd modulaire à ses heures perdues, Leslie compose, écrit et interprète sa musique, très plurielle. Punk, jazz, dessins animés, grunge des années 90 et culture rave y voisinent, créant un univers personnel dont le ressenti constitue la souche. En 2023 le bonhomme fonde Front Page Leslie, dans la lignée de J3M3I qu’il avait lancé en 2019. Tout ça nous amène à Feelings, première sortie introspective écrite sous les traits d’un conte pour enfants au sein duquel évoluent différents types de personnage. Il faut suivre mais le procédé singularise Leslie, et la galette sans trop de délai fait son effet. Waiting Part en son début lui donne des contours faits de sons pour enfants, que déchirent d’autres bruits plus épars. Rêvasserie tourmentée, suivie d’un Unconditional Love noisy qui me rappelle les syncopes du early Sonic Youth. Ici ça prend des tons jazzy bancals, expé, alors que la voix surgit en se faisant brève. Sleeping Flower prend le relai, pas loin du dub/post-punk, et se dote d’un chant racé. L’arrière-plan bruisse, dans la foulée Clinic Appointment réitère ces vocaux façon Les Claypool, enfin dans ce genre. Leslie y adosse une trame alerte, aux motifs récurrents. World of Weirdo suit, on est là à la moitié des débats et ses grésillements flemmards assurent une qualité maison indéniable.
Le morceau mue au psyché/psychiatrique, magnifique de démence. On continue, non sans bonheur, l’exploration. Twin Depress instaure un « chant » malade, des secousses post-punk d’antan et là, la voix se normalise enfin pas trop, faut pas non plus déconner. Les sons, imaginatifs, sortent du cadre. Night Trouble en use adroitement, la greffe voix marquées/notes typées-de travers contribue à élever un Feelings de haut vol. L’éponyme Feelings, justement, y susurre joliment. Les mots malgré tout partent en vrille, tels des sentiments changeants. Un côté lo-fi s’invite, intime comme perturbé. Merveilleux. Second person, en apesanteur sonore, chuchote sans raison, j’entends par là déraisonnablement. Il revêt, remarquables, des abords fragiles un tantinet souillés. Enfin Strike, court mais psychotrope, à l’aérien fin mais qu’on sent ténu dans l’équilibre, s’en vent clore un opus en tous points sincère, en marge, à l’opposé de toute attitude soumise, éloquent et entièrement concluant.