A l’heure de la sortie du nouvel EP d’ 1=0, nommé Secte, Ali Veejay répond aux questions de Will Dum….
1. 1 = 0 existe depuis une vingtaine d’années si je ne m’abuse. Quel regard portes-tu sur ce parcours déjà fourni ?
Un grand écart entre des concerts fous, où ça dansait dans tout les sens, et d’autres où on a joué devant quelques personnes, avec un record d’un seul spectateur dans un bar à Lille. Au milieu, les milliers de répètes, avec des musiciens drôles, intéressants et un peu fêlés de la cafetière. Des morceaux dont je suis fier, d’autres qui ont été enregistrés un peu trop vite. Une certaine évolution esthétique entre les premiers titres et ceux d’aujourd’hui, même si la griffe reste toujours là.
2. Qu’est-ce qui permet, à ton sens, cette longévité ?
En ce qui me concerne, je me suis « professionnalisé », excluant toute option autre que la musique. 1=0 reste au centre de mes projets et donc je continue de le travailler. Côté groupe, il y a toujours une belle entendre malgré les changements de line up. Enfin les nouveaux morceaux donnent envie à tout le monde de les répéter.
3. Comment et de quoi, d’ailleurs, est né et se nourrit 1 = 0 ? Existe t-il des « ponts », des connexions avec ton projet solo et où en est celui-ci ?
C’est né de l’envie de frapper un grand coup dans le rock des années 2000. A l’époque je suivais des cours de philosophie indienne, à Nanterre, et j’ai découvert les écrits mystiques de l’Inde. J’ai commencé à intégrer des allusions à ces écrits dans mes textes, ce qui permettait un décalage poétique, presque non-humain, dans leur perception. Dans la plupart des morceaux d’1=0, il y a cette exigence de ne pas donner de référent exact au texte, laissant à l’auditeur la liberté d’interpréter mon propos.
Côté solo, sous étendard Ali Veejay donc, je sors mon prochain album en début d’année prochaine, avec des morceaux rappés à la 1=0, et des textes plus accessibles, voire humoristiques. Julien, bassiste de 1=0, a proposé des lignes de basse fabuleuses sur une poignée de morceaux, avec de la saturation. L’album sortira chez Dora Dorovitch, label de la galaxie Diabologum.
4. 1 = 0 sort bientôt son nouvel EP, Secte. Comment l’as-tu travaillé ? Est-ce que dans le propos verbal, ou dans ta posture de musicien, il apparaît des différences entre ton discours initial et celui que tu dessers actuellement ?
Comme sur tous les albums d’ 1=0, j’amène les compos aux musiciens et on travaille leurs structures jusqu’à arriver à un résultat qui satisfait tout le monde. D’habitude on compose les fins en groupe mais cette fois-ci, j’avais tout écrit d’avance. J’ai même dû faire une démo muliti-pistes à la maison pour le morceau éponyme, car il n’arrêtait pas de changer. Je voulais faire une pièce de 20 minutes, mais ça s’est naturellement résolu à 7 minutes.
Entre les premiers titres d’1=0 et aujourd’hui, j’ai fait pas mal de stages, retraites et rencontres amoureuses qui ont coloré ma vision des choses. Je suis passé d’un propos nihiliste et rageux à une posture plus curieuse des espaces spirituels et psychologiques de l’être humain. Avec le titre Secte, qui est le récit d’un écroulement intérieur lors d’un stage de développement personnel, j’essaye de montrer comment une partie de nous doit céder, lâcher, pour laisser apparaître quelque chose de lumineux et de plus libre, de plus posé.
5. A quoi renvoie ce titre, Secte ?
D’abord à une blague d’Orval Carlos Sibélius, un super musicien dont je suis proche, qui faisait le jeu de mots en miroir à notre premier album « Sec« . J’avais trouvé ça cool et gardé l’idée. Ensuite, dans mon imaginaire, Secte évoque une inversion poétique où la société est raillée comme une secte géante.
6. A l’écoute de l’ep, j’entends un équilibre renouvelé entre le posé et la « secousse », entre le noise et le lettré. Qu’en penses-tu ? Dans le mot, tout comme dans cette balance entre les climats, j’ai parfois le sentiment de voir resurgir le Virago d’Olivier Depardon 🙂
Il me semble avoir toujours essayé de trouver un équilibre entre des propos explosifs et une exigence d’écriture. Peut-être qu’avec le temps le processus est devenu un peu plus mature ; je pense arriver à mieux faire sonner le texte qu’avant, où je privilégiais des images fortes et sans trop sentir la musicalité des mots.
7. Qu’as-tu prévu pour défendre l’ep ?
Malheureusement pas de clip, je n’ai pas la matière pour ! Cependant je démarche les salles et les lieux avec nos vidéos live, récentes, et cet EP qui va bientôt sortir. J’ai des pistes concert en Nouvelle Aquitaine, à Paris et sur Haute Savoie, où vit Clovis, le batteur. Il a construit lui même sa batterie, pour la reprise des dates, et elle sonne comme jamais j’ai entendu une batterie sonner. Donc on a hâte de monter sur scène, même si les conditions se durcissent pour jouer et demandent un gros boulot en amont pour trouver une date.
Photos du groupe: Patrice Mancino / Rec 117
Pochette de « Secte »: Robert Schoehuys