Big Special est Anglais, en duo soudé il évoque ici la dépression et toutes les formes qu’elle peut revêtir. Son Postindustrial hometown blues est riche, doté de spoken words à la Sleaford Mods en plus posé (quoique…), et pas seulement. Joe Hicklin (chant) et Callum Moloney (batterie), de la frustration qu’a fait naître leur appartenance à la classe ouvrière, dont ils portent fièrement le flambeau, s’y illustrent de bout en bout. Ca leur porte bonheur, de suite BLACK COUNTRY GOTHIC s’enrage et se permet de faire convoler chants scandés, rythme rapide et sons qui fusent. Le discours est batailleur, le début sacrément prometteur. I MOCK JOGGERS, tranchant mais plus modéré, sur une voix volubile, enchaine. Là aussi, on entend des sonorités enthousiasmantes. Une union dans la rancœur, un parfait ajustage sonore que le mot vient percuter de partout. DESPERATE BREAKFAST, de guitares sombres en batterie assénée, transforme alors un troisième essai. Postindustrial hometown blues m’a l’air de faire partie de ces opus que très vite, on fait sonner dans toute la maisonnée. SHITHOUSE, où les vocaux s’opposent dans les tons, se marre semble t-il sardoniquement. L’ennui ici n’a aucune prise, Big Special met les deux doigts dedans et électrique comme éclectique, nous pond un disque bluffant. Mais sans le bluff, tant il est vrai. THIS HERE AIN’T WATER, soul mais bien impactant, étire encore son champ d’action.
On est, à ce moment, au tiers de la représentation. MY SHAPE (BLOCKING THE LIGHT) s’annonce électro, son début retombe un peu. Il se montre aérien, quasiment psyché Big Special enchaine les réussites, telle BLACK DOG / WHITE HORSE et son déroulé à l’orée du peinard. Il apporte son calme élégant, dans la foulée néanmoins BROADCAST: TIME AWAY…s’essaye lui aussi à un canevas plus modéré. Il est juste plus bavard, marqué par une poignée de coups de semonce. ILL. s’en tient, à son tour, à ce cool totalement attirant. Le passage est de choix, s’il fait retomber la force de frappe il n’en reste pas moins accompli. ILL. hausse d’ailleurs le ton, à sa suite MONGREL se passe de rythme et fait valoir ses mots, remontés, criés en sa fin. La montée s’annonce, mais le titre se termine. L’électro sèche de BUTCHER’S BIN prend alors le relais, groovy et bien entendu, amère dans le texte. Postindustrial hometown blues, hargneux et inspiré, honore Big Special.
Sur la dernière ligne droite -ou pas- DUST OFF / START AGAIN, entre bourru et vocalement crooner, maintient le cap. Il lâche des effluves dépaysantes. TREES lui emboite le pas en se contenant des voix et de leur ornement, ça lui suffit à persuader. Son terme malgré tout assaillit, sous le joug d’une batterie au galop. Postindustrial hometown blues est une putain de galette, parfaite, révoltée, sur un mal-être qu’on finirait, par le simple biais de l’écoute, à grandement apprécier. Le poignant FOR THE BIRDS, d’éclat, au ressenti audible, touche au cœur. J’adore ce disque, incisif et persuasif. Il trouve son terme avec DiG!, d’une électro maison aussi délirante que bien façonnée, légèrement et savamment cuivrée. Big Special s’offre à mes oreilles, il ne risque sûrement pas de les épargner car son contenu, certifié sans esbrouffe, me contraindra sans nul doute à l’user jusqu’à la corde.