Exilé en France depuis l’Ukraine -on imagine aisément pour quelles raisons-, Ragapop unit Ganna Nikitina et Ruslana Khazipova (membres du groupe iconique des Dakh Daughters) et le producteur électronique Anton Ocheretianyi. Connu pour ses scènes, il se pose à Vire en Normandie, accueilli par le Centre Dramatique National de Vire et sa directrice Lucie Berelowitsch. Voilà pour la petite histoire, résumée car bien plus fournie que ça, et intéressons-nous maintenant à ce Do You Listen to Ragapop? qui loin de virer ragga-pop, et c’est tant mieux, couple les genres sur base trip-hop large. Enfanté dans les rues vibrivivantes (entendez par là, vivantes et vibrantes) d’un Kyiv libre, il transpose soniquement cette idée de liberté. Totally out of control, de ses flottements aériens mais bien marqués, ode à l’absence de chaînes et il se plait à le répéter, insinue une approche personnelle. Il prend fin dans le sonore, le scandé vocal. Lylyk suit sur des tons presque trap mais en fait non, enfin pas loin. Nappes de sons déviants, ici aiguisés, de guitares dont on ne sait plus si elles sont réelles ou détournées. Vagues dépaysantes. Et la langue, évidemment voyageuse. Gordosti, au début flouté, qui mue en trip-hop hybridisé, englobé de sonorités ingénieuses.
Singulier, Ragapop impose ses contours, nés de la vie et de ses détours. Gordosti gronde, rock, proche de l’indus. Chy liubov groove, saccadé, post-punk là aussi viré de son socle. Les vocaux varient, les assauts instrumentaux perforent. L’identité est indéniable. M’est avis qu’en live, cette mixture arrache. A mi-chemin, passé une courte phase d’assimilation, on se surprend à valider le tout. Do You Listen to Ragapop? Of course couz! Good time, dont l’amorce rêve et se perche, fait dans l’alerte haché. Aussi spatial que physique, il affirme le style Ragapop. Le groupe, à l’envi, balafre ses compositions. Ses enrobages font rage, racés mais aussi sauvages.
Bo Vzhe Toy Den Koly, où les chants rappent presque, opte lui aussi pour de l’ondulé insubordonné. Il fait son effet, Ragapop est désormais de chez nous et nous ne pouvons que nous en réjouir. Ses ébats chevillent son combat, ses stridences malmènent les écueils et au bout du compte, on tient une découverte en marge. Liudyna, chargé de boucler l’épopée, dépose une chappe massive, en phases bruitistes sans concessions. Bref certes, Do You Listen to Ragapop? sensationne à chaque titre et célèbre l’arrivée de Ragapop, à Vire donc, avec ire et selon un brio continu.