Fishtalk vient de Caen, il distille un patchwork à lui et rien qu’à lui, mais destiné à nous. D’abord dream-pop/shoegaze, il se forge depuis une approche sonique queer et, donc, éminemment personnelle. Et évolutive. Jamais figé par conséquent, le projet présente ce Out aux six plages où trip-hop, bribes rock voire noise et inventions diverses cohabitent pour un résultat estimable. Testés en live, façonnés puis remodelés dirai-je, les morceaux immergent. Men are dead chuchote, vire ensuite à l’orage saccadé. Il alterne susurré et raffuté, laisse la furia sonore imposer ses stridences. Cheers, d’un début raffiné, au fond obscur, mue vite en syncopes sonores, aussi célestes que remuantes. Fishtalk parle sur son EP d’amour, de santé mentale, de violence patriarcale et de résistance, d’identité de genre et de son brouillage. Thèmes nobles, mis en son avec adresse et mots choisis. Cheers breake, poste des secousses sans ménagement, puis prend fin. Crocodile, pesant, indus, noise, hérissé, joue une trame viciée. Fishtalk crée son registre, individuel, en affichant valables idées et pistes brouillées, à l’image de notre époque. Broyée.
Sur le second volet Lost footage, court, spatial, fend la brume. Fishtalk sème ses graines, je les pressens fertiles. Golden mean propose des sons clairs, des vocaux derechef du bout des lèvres. La chanson ondule, reste tenue. Sa fin, toutefois, lacère. Imprévisible, le quatuor parait être de ceux qui brisent ses jouets et dans son répertoire, met des coups de fouet. Pour mieux construire il déconstruit, réussissant dans son entreprise. Statues termine son EP, comme attendu il se fissure et délivre un bruit profitable. Les trouées noise prolongent des temps de songe, c’est presque dans le silence que tout ça trouve son terme et Fishtalk, aux efforts fructueux, gratifie son potentiel public d’une réalisation constamment intéressante.
Photo Carolina Moreno