Connue pour tenir le micro chez Duchess Says, en furieuse tête de proue d’un groupe qui bouscule les conventions, Annie-Claude Deschênes s’essaye au solo avec Les manières de table où à sa manière et après avoir partagé les planches, sous l’étendard du groupe susmentionné, avec The Yeah Yeah Yeahs, Teenage Jesus and the Jerks, The Black Lips, The Hives, The Hot Snakes ou encore Buzzcocks, elle percute, à grand renfort d’électro remuante et déviante, la bienséance que quotidiennement on nous fait gober, aux repas notamment. L’inspiration lui vient des précurseurs de la musique électronique, mais le sillon qu’elle creuse lui appartient. TASSÉOMANCIE lance le bal, d’abord noir, aux crépitations obscures, avant de dresser des nappes célestes qui vite s’agitent, truffées de chants traficotés. Première accroche forte, suivie de ce CULINARY SECURITY plus alerte encore, qui serait post-punk s’il ne recélait pas, dynamique, cette électro vive et spatiale dont la dame détient la recette. Elle met les pieds dans le plat, sample des ustensiles de cuisine et nous propose la sienne, moins soumise. PHONES, singeant la politesse téléphonique, lui fait la nique et parallèlement, séduit musicalement. Electro toujours, mais jamais normée. En spirales stridentes, en chaos presque indus tantôt, Les manières de table plante sa fourchette.
MENACE MINIMALE, en séquences à nouveau animées, dans le ciel mais en fusée, breake puis se relance. On entend, de partout, des phases dont la teneur rappelle les sources d’ Annie-Claude Deschênes. Elle en fait bon usage; MEDITATIONS expérimente, à l’aide des objets dont je parle plus haut. Il est sombre, sonore, barré. Il marque la différence, audible, de l’album. Y ALLER suit en percutant puis décélérant, pour ensuite tracer des entrelacs de synthés totalement délectables. A table toutes, à table tous: le mets est servi. LES MANIÈRES DE TABLE, éponyme, se saccade sous voix mutine et « synths » une fois de plus notables. Prends ta serviette l’invité, elle épongera le sang bon bref, l’opus se réserve à ceux qui osent et obstinés, préfèrent le décalé. Il fout la nappe en l’air, enlevé, turbulent et régulièrement porteur.
Photo Yannick Grandmont
En fin de festin ELECTRIC LIGHT, de plans brouillard en rythme marqué, offre des basses addictives. Et pas seulement, loin s’en faut, car lui-même est addictif. Des sons purement 80’s, à l’envi, se font valoir au long de l’ouvrage. Les manières de table d’ Annie-Claude Deschênes traverse les ères, aussi rétro qu’entièrement actuel. ANCIENTS le termine, cold et haut perché, en dépaysant autant qu’il va bon train. C’est le dessert, la cerise sur le gâteau, l’ultime pied de nez au conduis-toi bien que Les manières de table, enthousiasmant, massacre et réduit à néant sur neuf titres géants.