Trio d’Amiens, Sycomore façonne depuis près de dix ans et quatre sorties déjà, en y incluant cet enclumé Antisweet, un son bien à lui. Sludge, noise, métal et même grunge, par instants, s’y télescopent. Le chant est belliqueux, trop fréquemment à mon goût, mais on n’est pas là pour compter fleurette non plus et bien vite, on y prend même goût. Le monde est noir, incertain, alors Sycomore ainsi le dépeint. Puis des timbres plus mélodieux sertissent l’ensemble, solide à l’extrême. Drink Water s’offre même une accalmie psyché, brève mais bien vue, à laquelle succède une hausse de rythme pas piquée des vers. Eternal Watts, voix grungy puissante en avant, trame massive et agile à la fois, lance la première estocade. La durée étirée de ce premier jet permet à Sycomore, jamais immuable, de varier les orientations et ce, sans jamais faillir. Ses cadences, elle aussi, changent à l’envi. La colère l’emmène, tel un Sycomore, vers d’autres contrées. Like Sulfur, pachydermique, s’allège sous l’effet de chants modérés. Reste l’impact, indélébile, de la formation samarienne. Et ces coups de boutoir basse-batterie, étayés par des guitares tout terrain.
Plus loin Drink water, cité plus haut, complète avec panache. Bien malin qui saura dire, à l’écoute et au sein d’un seul et même titre, quel chemin ces trois-là piétineront. Sycomore, en termes d’influences, ne doit plus grand-chose à qui que ce soit. Masquerader, beuglé, riffe gras et brouille les pistes. Des attaques façon Prong, grattes parpaing dans le cornet, consolident l’œuvre de Sycomore. C’est au terme d’auditions réitérées, qu’on saisira toute la portée du disque. Masquerader se termine presque en fanfare, dans l’inattendu. Suit alors Slurs, entre métal « d’antan » -dans les guitares « lyriques »- et feu de l’instrumentation. Expérimenté, dopé à la scène où il a pu partager ses soirées avec de jolis noms (Will Haven, Coilguns, Hangman’s Chair, Oxbow, Nostromo, Wiegedood, Mandibula, Neige Morte ou encore Jessica93, par exemple, firent partie du programme), le groupe désormais se reconnait. Son chaos est tenu, Parallel lines impose le sien en alternant le lourd et l’emballé. Sa violence est pensée, bien distillée, à l’instar de tout ce que peuvent faire Tim Drelon (guitare baritone, chant), Guillaume ‘Desta’ Destalminil (basse, chant) et Guillaume Maillard (batterie).
Après ce tir perforant Hear the wind, dont les guitares de départ m’évoquent le Another Wordly Device de Tommy Victor and Co, se déploie dans un lyrisme enflammé, sulfureux, aux courants multiples. Surprenant, Antisweet ferme la porte sur un Captain Vitamin à l’orée des dix minutes, dans un premier temps surexcité, avant une coupure qui ne fait qu’annoncer une nouvelle crue. Du mélodieux s’invite, judicieux. On breake célestement, assez longuement, avant que l’intensité ne reprenne les rênes. La batterie galope, en tête de la fête. Difficile à décrire, ouvertement « Sycomorien », Antisweet voit ses trois auteurs évoluer dans la continuité, poussant plus loin encore un processus de personnalisation des styles, ici adroitement alliés, tout au long d’un album aussi futé que percutant.