Le Califone de Tim Rutili, à 25 ans d’existence, se livre à mes oreilles. Tardive découverte, elle n’en est pas moins remarquable. La pop-folk nacrée de lo-fi et d’expérimentations sonores de Villagers, en effet, ne manque pas d’attrait. Mcmansions, par exemple, l’étale de manière géniale et laisse se fissurer la composition, sans qu’elle perde de sa superbe. Avant ça The Habsburg Jaw, en ouverture, aura lui aussi laissé libre cours à la déviance sonique. On pense à Grandaddy, pour le coup. Le rendu est ardu à classer, il touche tout à la fois à la pop, au jazz libre, alors que des recoins noisy et des sons « malpropres » qu’on approuvera directement le parsèment. Il a du chien. Il se cuivre, joliment. Bancalement, aussi. Eyelash est pour sa part soul-jazz, mélancolique, moins en marge mais tout aussi concluant. Villagers, éponyme, offre un jeu de guitare splendide. Et pas que. Sa patine folk le fait reluire, légèrement ombrageuse.
Comedy, d’une subtilité similaire, fragile et syncopé, exerce la même attirance. Il marie les voix, s’emphase un peu mais sans pousser ses excès. Les cuivres reviennent, accentuant la beauté des décors. Ox-eye, jazzy mais façon Tom Waits pour la fantaisie sonore, distille une atmosphère racée. Califone pose une ambiance, sans grande énergie certes mais d’une couleur attractive. Ici se produit, néanmoins, un encart trituré. J’apprécie, en dépit de la brièveté du fait. Halloween, d’une grâce ténue itou, arrive. L’attrait visuel nait, dans le même temps, d’une pochette magnifiquement bric-à-brac. Skunkish, musicalement, l’accroit. Bluesy, gris et lumineux, il suinte un doux-amer de choix.
Au dernier rang Sweetly, doucement ainsi que son intitulé le laisse présumer, se charge de finir. Album d’élégance, traversée d’incartades peut-être un peu trop éparses, Villagers voit Tim Rutili (guitars, vocals, piano, synth, bass, production, ni plus ni moins….), entouré d’une ribambelle d’accompagnants aux interventions typées, signer un ouvrage sensible, peaufiné, d’une richesse décisive.