De 2022 je ne fus point, ne m’y reconnaissant musicalement pas. De 2023 je pris part, sentant poindre une tournure décisive. Le Minuit Avant La Nuit, pour sa quatrième fournée, a comblé plus qu’un quidam. Par ses sons, par ses lieux, par sa formule. Par la pertinence de sa réflexion, aussi, sur ce qui auparavant avait pu « clocher ». Tenu entre herbe et eau(x), défenseur de causes nobles, il vit large sans s’y perdre, loin s’en faut. A taille humaine, désireux avant toute chose de faire la joie et le confort de ses fréquentants, il m’emmena tout d’abord dans la joie d’une doublette Last Night We Killed Pineapple/Ada Oda, le jeudi, aux abords d’une bien belle péniche. Ah putain (sorry), j’y suis!, pensai-je, intérieurement, à mon arrivée sur les lieux. Avant de jouir, Gallia fraiche en main, du rock de mes préférés du coin. Rugueux, juteux, gorgé de titres qu’on valide, il ouvrit avec prestance pour un clan Belge dont j’avais déjà adoré l’Amore Debole, sorti en novembre 2022. Et qui en ce soir de soleil estival engendra sudation et satisfaction, poussée, au son d’un post-punk que sa chanteuse de la Grande Botte pousse à son paroxysme. Premier jet, première réussite incontestable.
Last Night We Killed Pineapple/Ada Oda.
Absent du vendredi, pour la bonne cause puisque Psychotic Monks allait retourner la Manufacture de Saint Quentin, je reviens le samedi. Surprises de taille (Noga Erez de Tel Aviv et son électro aux influences multiples, surprenante et dynamique), confirmation (La Femme, ses dames et son répertoire déjà accompli). La pimpante Cloud, dont j’avais il y a trois ans effectué l’interview, ouvre la soirée. Aussi gracile que lumineuse, t-shirt MTV sur le dos, elle pose ses ressentis. Bel être. Favé, ensuite, me laisse froid. La jeunesse, elle, gesticule sa joie. Jeanne Added tantôt m’emporte, plus loin m’éloigne. Lime Garden, rock, post-punk, demande à confirmer mais délivre un bon set, qui en tant qu’épris de rock me rassenére. Equilibrée, la prog’ fait mouche. Jimmy, « communication man » de la Lune des Pirates, s’enquiert régulièrement de notre bien-être et ma foi, nous apprécions pleinement. Et puis La Femme, cité plus haut, débute légèrement, hispanisant, pour ensuite enfoncer le clou avec des morceaux plus bastonneurs. J’aime. Après Noga Erez, fourbu et bienheureux, je plie bagages. Mon samedi fut summum, « flanqué » de mes compères photographes d’une modestie à toute épreuve. Je ne verrai pas Meute, dont on m’a dit le plus grand bien, ni Bárbara Boeing. Je vieillis.
Cloud/La Femme/Lime Garden
Il n’empêche que le dimanche, dès 8h, je gère les clichés. L’envie, pressante, de revivre la chose. Du café, un tri les yeux mi-clos. Je le sais maintenant, j’ai bien fait de revenir. Le MALN, en cette mi-juin, dégage la saveur d’un bon vin. Normal, c’est un grand cru. L’après-midi révèle du local, avec Manopolo qui de son soul-jazz enfumé, joué dans un halo de délectable torpeur, capte la poignée de spectateurs rassemblés face à lui. Verdure et chaleur, orga peaufinée, bienveillance à tous les étages: je me répète mais il y a ici de quoi s’envoler, direction les Clouds. Minuit Express, entre chanson et rap, sur traces de folk élégant, couple beauté et vindicatif. Le village associatif, de plus, (r)éveille les consciences. Le MALN en a, il nous régale pour finir d’une Lucie Antunes de base électro, certes, mais si imaginative, chantée et chatoyée, dépaysante (cloches et sifflets, et je résume, l’exotisent) qu’on s’y laisse prendre sans même comprendre. It’s Amazing, comme le dit l’un de ses titres. C’est le Carnaval, ça danse everywhere et notre Minuit Avant La Nuit 2023, grandissant de manière pensée, s’offre une version sans défaut aucun.
Noga Erez/Manopolo/Minuit Express/Lucie Antunes.
Photos Will Dum.