Nanti d’un tel nom je l’aurais cru rappeur, avouant ne pas le connaître. Il n’en est rien, c’est plutôt vers la folk, sombre et claire, drapée d’électro discrète, que lorgne Thomas Boudineau sous étendard Le Flegmatic. Le jour la nuit le jour est, déjà, son quatrième album. Il y décline des vignettes hors du temps, dans une quête de soi joliment mise en son qui parfois m’ennuie, trop « soft », mais a le mérite de s’enhardir (Le monde sauvage et ses inclusions acidulées, dark), d’une part. Et d’autre part, d’instaurer des ambiances où l’on s’attardera, comme si quelque part elles nous protégeaient. De leurs volutes, douces et obscures. De leurs propos, sécures dans leur dépit. A première écoute j’ai soupiré, c’est la troisième et là, j’adhère plus franchement. Je trouve refuge, dirai-je, dans l’opus en question. Je suis preneur, il est bon de s’y abriter.
A l’ananas café donc, rassénéré, je sirote. En vain j’attends, décalé du temps. Maria, au bar, excite les sens. Il y a de l’attractif, indéniable, dans les tons tristounets qu’emploie Le Flegmatic. Le yin et le yang, d’une plume à l’encre bien ancrée, séduit autant. C’est dans les récits désillusionnés, souvent, qu’on trouve à se repaître. Pour une fille, à l’amour enfui, conte le sentiment. Non partagé, source d’abattement. Qu’à cela ne tienne, il nous reste la musique. Elle, au moins, perdurera. Merci Thomas, ce que tu fais est beau. Mais je guette la sortie de route ; tu ne le savais pas, ça (t’) importe peu mais je viens, délibérément, du rock qui saigne. Toutefois ton disque, sûrement, m’attrape. Qu’attends-tu de moi, alerte, me retient captif. Je n’en attendais pourtant rien, bon je mens, comme Bashung la nuit. A chaque morceau on espère d’être happé, en proie à l’émoi.
Plus loin Où m’emmènes-tu, de son électricité éparse, de ses mots économes, de son pouls grandissant, me plonge dans le songe. Il est beau. Flegmatic mais pas tant que ça, Le jour la nuit le jour étend des ossatures magnifiques. J’ai failli le ranger, presque l’oublier. Je l’ai gardé, le sentant à moi venir. Le titre éponyme me parle, « Y’aura toujours quelqu’un pour te gueuler dessus » prétend-t-il. Rien que pour ça, pour ces mots simples mais bien trop vrais, je me le garde sous le coude. Puis Les travers, joué dans ma pièce ou presque, chante à nu. Ou pas loin. De ses libellés distingués, de ses peaux enveloppantes, Le jour la nuit le jour se fera jour dans nos nuits, ou nuit dans nos jours, c’est selon, porté par une douce brise sonore.