Elle est Turque et belle, elle chante le combat et le refus, obstiné, de conditions de vie avilissantes. C’est Gaye Su Akyol qui avec ce Anadolu Ejderi coloré signe, tout de même, son quatrième album. Une série animée où les genres fuient l’inertie, copulent, varient. Trip-hop sur Bu Izdırabın Panzehiri, avec la prestance d’un Portishead, l’opus débute au son d’un Anadolu Ejderi éponyme de son pays, porteur de traces rock approuvées. Vocalement, la dame a du cachet. Le refrain percute, l’instrumentation nous emmène « direct » là-bas. La dynamique du titre ne se discute pas, elle permet un début fringant. Guitares surf de classe, notes « from Turkey » emballent leur monde, décisives. Vurgunum Ama Acelesi Yok séduit autant, folk du pays, musicalement étincelant. Sa basse groove, quelques effluves plus loin Biz Ne Zaman Düşman Olduk se déploie lentement, dans l’ombre, avec majesté. A la lecture de la bio j’attendais, tout de même, un disque un brin plus sauvage. Sans l’être, il se montre toutefois superbement vénéneux. Envoûtant, aussi, de ses saveurs d’Orient. Psychédélique, dans ses envolées sans trop de heurts. Yaram Derin Derin Kanar, à la suite du Bu Izdırabın Panzehiri mentionné plus haut, suinte un folk d’obédience électro savamment troussé, dont le climat m’évoque certaines compositions de PJ Harvey. On ne peut que reconnaître, à chaque balise de l’album et tout comme chez l’Anglaise, sa patine sonore et musicale.
Sur Sen Benim Mağaramsın Gaye Su Akyol, rock et bourrue, durcit le ton tout en conservant sa souplesse, son chant magnétique, typé, racé. J’aime la fille dans ses atours batailleurs, à l’image de son attitude. Pour moi, ce titre est un tube. Classieux, et offensif. Après lui Martılar Öpüşür, Kediler Sevişir, entre l’ondulant et l’acidulé, envoie à son tour ces odeurs Turques, épicées, enivrantes, qui l’élèvent. C’est par ailleurs chez Glitterbeat que sort Anadolu Ejderi, c’est bien pour cette raison que j’ai demandé à le recevoir. Au fil des écoutes, de plus en plus je le goûte. Kör Bıçakların Ucunda plait, lui, par ses notes derechef prenantes, voyageuses. A la fin de sa fin, on tombe sur Artık Başka Bir Lisansın qui pour sa part, vole entre légèreté et intensité. Il me manque, moi du rock, le surplus de poussées fiévreuses qui me feraient, sans conteste, élire ce disque comme l’un de mes favoris, sur les plus hautes marches de ma hiérarchie stylistique.
Gel Yanıma Gel, en saccades marquées, m’attire en dépit de ce constat. Il y a chez GAYE SU AKYOL cette touche bien à elle, ce savoir-faire audible, ces tissus sonores de choix qui lui filent des airs de reviens-y. A İçinde Uyanıyoruz Hakikatin, sombrement beau, incombe la mission de lui mettre fin. Jazzy, trip-hop, sans genre trop défini à l’instar du tout, il apporte la preuve que l’artiste, ici et après toutes ses sorties personnelles, assied un genre attrayant, dépaysant, qu’il importe de parcourir avec insistance avant d’un saisir toute la portée. J’y retourne d’ailleurs sans hésitation, en dépit de la « lacune » mentionnée quelques lignes plus haut qui, notons-le, n’entrave que très peu l’excellente tenue d’ Anadolu Ejderi.