Issu de Brooklyn, Zen Mother en vient avec ce Millennial Garbage Preach à son troisième opus. Le clan, que pour le coup je découvre, y tangue entre électro et éthérage, coups de sang aux guitares affutées (Order), brume cold et chant féminin presque fantomatique, fortement envoûtant. Il capture dès l’inaugural Henri Matisse, ouverture lancinante qui tient autant d’un Elysian Fields que du Portishead le plus génialement « inerte » qui soit. Mais qui, sans empressement, s’anime et laisse filtrer un brouillard enveloppant. Electro parfois, personnel, le registre fait montre d’une certaine identité. Passé ce début probant Sleep, lui aussi au ralenti et d’autant plus imprégnant, chloroforme l’auditeur, à son tour, avec maestria. Zen Mother s’écoute, à priori, plus facilement qu’il ne se décrit. Il faut, tout de même, aller le chercher. Au bout de l’effort, le sésame sonore est notre. Sleep fait reluire des guitares, adopte une touche folk, se souille et s’élève. Tout ça à la fois, dans une beauté savamment salie.
A quelques encablures Order, cité plus haut, se hérisse un peu. Puis The Pharmacy, au chant qui encore une fois captive, se saccade, presque psyché. Mais pas tout à fait, retenons juste que lui aussi produit au final un effet monstre. Fin dans son ombre, il permet à ce disque sorti chez Weyrd Son records de continuer à charmer, tout en revêtant des sons plus dark et « dirty ». Un sax surgit, déchiré, merveilleux. Sinueux, le morceau pénètre nos boites crâniennes. Vengeance, dans ce même déroulé entre figé et plus sanguin, s’y loge lui aussi. Il y a ce je ne sais quoi, chez ces Zen Mother pas si zen que ça, qui force à les fréquenter. A rester dans l’écoute, à s’imprégner de leurs pérégrinations. Lil Jesus exhale une trame vaguement jazz, une forme de grandiloquence déviante, de versatilité sonique bien amenée. On prend.
Photos Ebru Yildiz.
On reçoit avec joie, dans le même élan, ces climats qui ne rechignent pas à faire dans le vénéneux. A l’heure des adieux, on adhère sans conditions. The Fugitive, en toute dernière position, valide d’ailleurs la portée du rendu. Zen Mother s’y fait trip-hop, bourru mais aussi subtil, se poste à cheval sur ces deux options. Il breake, change de chemin sans nous perdre…en chemin. C’est alors fini, au bout de sept titres dont le nombre réduit n’a aucune espèce d’incidence sur la qualité d’ensemble. Le terme de l’opus se pare d’ailleurs de sons qui refusent, entre élégance et tendances plus écorchées, de faire leur choix. Le procédé, maîtrisé, engendrant une issue de toute première main.