Une fois n’est pas coutume, c’est à un registre pour moi inhabituel, entre pop, chanson et électro, que je me frottais en me rendant ce jeudi soir à la Lune des Pirates, pour le concert de Johnny Jane et UssaR. Mais on le sait, à la Lune guette la découverte, nichée dans ces dates qui à priori ne nous correspondent pas. Auxquelles je me rends car d’une part je connais la maison et d’autre part, il n’est jamais mauvais de bifurquer de ses sonorités usuelles. Et si la salle fut pour le coup clairsemée -on se demande, parfois, ce que fait le Picard lorsque tombe le soir-, le présent eut tout le loisir de profiter d’un magnifique set du tout jeune lillois, qui du haut de ses 22 ans affiche une foutue maturité. Et, sur le plan musical, un pouvoir d’accroche que je ne lui aurais pas soupçonné. Son univers est beau, nacré, parfois plus acidulé. Il l’orne avec mesure et dextérité, y place des textes d’amour et de désenchantement dont les phrases valent notre attention. Il est sincère, touchant, sans faux semblants. Il nous enchante, on se laisse embarquer dans son monde d’artiste doué. Son Maintenant est merveilleux, de sa guitare ou de ses touches en noir et blanc il nous offre caresses et envolées. On est bien. L’arrangement est bon, Johnny Jane nous narre la vie. La sienne, sur ce Midi avec cette fille qui lui plait, mais qu’il n’osera jamais aborder. Pulsations électro (Dans ma tête), légèreté entrainante, parfois, d’un répertoire personnel assurent une ouverture synonyme de haut potentiel. Johnny Jane donne l’envie, à l’envi, de reprendre ses refrains. Dans le rêve, dans l’oubli, dans des tranches de vie où les sentiments se bousculent. J’avance, nous lance t-il sur l’une de ses compositions. C’est une évidence. Johnny Jane ne triche pas, il se livre et peut-être, se délivre.
Johnny Jane.
A l’issue on se félicite déjà, mon accompagnante du soir et moi-même, d’en avoir été. Il nous reste UssaR, dans une sphère globalement plus posée, pour conclure l’affaire et ma foi le musicien à la voix douce sur fond d’électro discrète parvient, dans une beauté grise, à la triste joliesse, à harponner nos sens. Là encore, le mot est beau. Désabusé, poétique et inspiré. Loin, lent et sobre, m’évoque un Bashung. Entre feutrine et tourment, dans une étoffe de cordes. Bidon vie, Plafonds de verre, Dehors et son piano, il y a là de quoi s’allégoriser. A l’instar de Johnny Jane, UssaR s’emploie à se démarquer, à concevoir son propre carnet de scène. Il y réussit, avec implication, émotionnelle certes mais aussi dans le jeu. 9 milliards, comme le reste, fait briller ses textes. Le Havre, noir et majestueux, dévoile une embardée torturée. UssaR se révèle, on n’en demandait pas tant et avec lui, à son invitation, nous chantons. Il a gagné, nous a gagnés, en parait heureux. Les yeux dans les nôtres il se montre, ainsi que le fut son « ouvreur » nordiste, d’un vrai que l’on peut palper. Courts mais concluants, porteurs d’un talent conséquent, les deux concerts du soir, gratuits pour les possesseurs de la carte Lune (voyez-y une injonction, vous ne vous tromperez pas), auront de manière certaine envoûté le public amienois. Ceci quelques jours avant une expo-concert où cette fois, le genre fut bien plus frontal avec la pop-grunge des excellents, eux aussi, Fantomes, histoire de parfaire une semaine chargée en son qui transporte.
UssaR.
Photos Will Dum.