Hun Hun, voilà déjà de quoi attirer le quidam. Ou le faire fuir à grandes enjambées…mais il aurait tort. C’est qui d’ailleurs hein, Hun Hun? C’est Jimmy et Noé Moens, deux frangins de Bruxelles. Ils m’ont fait l’honneur, alors que je glandais au boulot, de me contacter via Insta. Envoi d’un premier album, Y Bab Adöy, qui au départ me laisse perplexe. C’est bien normal car à l’instar de deux de ses influences prétendues –Acid Arab et Altin Gün, que j’adule autant l’un que l’autre-, il exige d’être investi, exploré, réécouté. Alors, il fait mouche.
Il faut dire que les frères, producteurs parait-il, n’ont pas leur pareil pour malaxer clins d’oeil Anatoliens, électro barrée et sans surcharge et voix éparses, le tout sur des ambiances « ciné » qui elles aussi trouvent leur rang sans forcer le trait. L’identité s’entend, elle s’étale sur treize titres et nous propulse dans les nuages avec Princess Maria, premier jet aux voix graves sur boucles obsédantes puisque répétées à l’envi. L’accroche se fait, elle s’affirme quand Mando ve yeni dünya percussionne et balourde du son, encore, enveloppant. Il y a là une recette savante, originale, que Hun Hun applique magistralement. Entrelac de sonorités, de rythmes et textures, leur opus tend les bras à l’innovation.
The Exorcism of Gül, d’abord spatial, s’agite sous l’impulsion de ses motifs et cadences. Il dépayse, c’est là que réside principalement le pouvoir de Hun Hun. Un peu plus loin, le titre éponyme s’excite et perpétue une mixture en marge, un peu barge, qui emmène hors-champ. Flying Saucers over Karaköy fait dans le psyché, finaud et oriental. Le Grand Bazãr lui fait suite, aussi entêtant avec ses plans réitérés et ses trouées dark. Ses vocaux, aussi, tirés du monde du cinéma. Oh bordel, ça rend à merveille tout ça! Köy otta dunes se saccade, se fait Turc, ne dit pas son genre. Comme Hun Hun, voué à ne pas se ranger. Bon, ils ne savent sûrement pas chanter alors Göktürk, de son électro lunaire, convoque des organes d’ailleurs. Je chambre, je pique, j’humorise mais retenez bien que ce disque, passionnant, mérite beaucoup plus qu’un passage hâtif. Scottü m’évoque…Depeche Mode, si si, de par ses synthés. Un Depeche Mode dopé à l’Anatolie, qui le soir en live, dans le noir, nous grisera jusqu’à pas d’heure. PunchTürk s’y essaye d’ailleurs, il y parvient en nous servant des passages sombres et « cordés ». En en se répétant, puisque ça finit immanquablement par posséder l’auditoire. J’ajoute pour faire bonne mesure que la pochette est l’oeuvre de l’artiste marocaine Sofia Fahli, et que le clip inclus dans cet article émane de Charles Ardilouze.
1ère photo @Jeremy Van Belleghem, 2ème photo (concert au Mil à Lisbonne) @Eduardo Filho
La rondelle sort chez Lurid Music, là-bas aussi on apprécie le différent. Centauri fait ensuite flotter le vaisseau, à nouveau, pour un trip une fois de plus « in the sky ». Arkin’s Trilogy termine le taf, ou presque, si brièvement qu’on pourrait le négliger. On s’en moque un peu, on adhère sévère et pour boucler l’épopée on se fade un Princess Maria (soFa Remix) ensorcelant, preuve qu’une relecture peut apporter à l’orignal. Tout en l’étant (originale bien sûr). Hun Hun a gagné la partie, amorcé la party et imposé une vision peut-être pas visionnaire, mais pas loin de l’être. C’est bien assez pour que sans conditions, on lui refile nos lobes et toute notre estime de fouineurs sonores, comblés par les créations de ce Y Bab Adöy foutrement réussi.