Sixième album studio pour le Danois Trentemøller, reconnu d’une part pour ses mélodies et vignettes sonores et d’autre part, pour ses talents de producteur. Qui, sur ce Memoria d’une dream-pop à la rêverie qui n’oublie pas de s’animer, chantée par Lisbet Fritze, s’illustre continuellement. Il y façonne quatorze efforts -l’opus est de plus généreux- qui dans leurs contraires -chaud et froid, lumière et obscurité, secousses et feutrine- éveillent l’attention au point de la maintenir sans discontinuer ou presque. C’est avec Veil Of White, première songerie enveloppante, que le voyage prend et lentement, dans un crachin qui doit au shoegaze, le titre prend de l’ampleur, accentue son penchant noisy. On est bien parti, No More Kissing In The Rain instaurant cette même rêverie saccadée, sucrée-salée, dont les synthés et guitares dérapent en restant de choix. Alors que Darklands, spatial mais vivant, engendre un climat de teneur comparable. Sans le chant cette fois, mais avec autant de portée. Lui aussi, en sa fin, durcit le ton. Glow, dans ses pas, se faisant plus ouvertement céleste. Avec, comme de coutume, ce sens de l’accroche, de l’opposé, qui fait pencher la balance du bon côté. Il se fait un brin exotique, soudain des guitares noise le zèbrent dans une étoffe d’entre les nuages. Trentemøller emplie les réussites, In The Gloaming souffle une électro-pop à la cadence marquée sur vocaux éthérés. Il accélère, se fait plus bruitiste, avec bonheur.
Plus loin The Rise, d’abord brumeux, vire kraut-psyché sur des tons plus écorchés. Une éclaircie arrive, on reste là dans des antagonismes que le Scandinave maîtrise à la perfection. Avec When The Sun Explodes, alerte, on file en dream-pop de première main qu’une fois de plus, des encarts rudoyants fissurent. Shoegaze, kraut, électro, scories psyché, on ne sait plus bien où on en est mais le mélange prend pleinement. Dead or alive, de ses basses à la The Cure, castagne par ruades et sert une voix masculine au refrain qu’on retient. Guitares guerrières, cadences tout en remous en font la sève. A sa suite All too soon calme le jeu, mais brièvement car à nouveau, le rythme est vivace. Lisbet s’illustre vocalement, ici comme ailleurs. Dream-pop encore, à la fois nuageuse et très physique, doucereuse et bouillonnante. Orageuse aussi, quand les guitares détonnent. A Summer’s Empty Room fait tomber la pression, il s’essaye à un trip cold dans les cieux et m’évoque les ambiances du Disintegration de The Cure, déjà cité plus haut. Swaying Pine Trees lui emboite le pas, basé sur des boucles et motifs brumeux qui ondulent et virevoltent et, sur leurs derniers instants, percutent délibérément. Drifting star arrive alors, entre rythme saccadé et vagues d’écume shoegaze. Il breake et comme bon nombre d’autres réalisations, pousse ses bruits jusqu’à l’excès, profitable à ce Memoria abouti.
Memoria est un excellent disque, mis en valeur par chacun de ses titres. Trentemøller en ressort non pas confirmé, c’est chose faite déjà, mais y franchit un palier supplémentaire. Like a daydream, charmeur, valide le constat. Il me fait penser à Cocteau Twins, son auteur y use derechef du chant de sa collègue pour entériner sa valeur. Au sein d’un canevas dream-pop dominant, l’album navigue sans jamais prendre l’eau en termes de qualité, mais aime à laisser poindre les flux et reflux, fréquents et décisifs. Linger, lente lame de fond shoegaze tout en montées/descentes, beau et hérissé, termine le boulot au même niveau élevé que le reste d’une rondelle qu’aucune faute de goût n’entache, à la hauteur des dispositions reconnues de son géniteur.