Après un No extrême, sorti en 2020, Boris « from Tokyo » en propose la suite avec W, tout premier disque pour Sacred Bones. Explorateur dans l’âme, présent depuis 30 ans, le trio où siègent Wata (Vocals, Guitar, Accordion, Music Box & Echo), Takeshi (Vocals, Bass & Guitar) et Atsuo (Vocals, Drums, Percussion & Electronics) se fend d’une rondelle rêveuse, comme sous produit, dont les climats éthérés dégagent ce je ne sais quoi qui force à s’y plonger. L’immersion débute au son d’un I Want to Go to the Side Where You Can Touch… qui, sur le Loveless de My Bloody Valentine, aurait largement tenu son rang. Une brume shoegaze en coton, sombre, dont s’extirpent des voix fantomatiques. Hypnotique, il laisse place à ce Icelina clair, lent, post-rock et climatique, chanté avec délicatesse. Boris a le sens de l’atmosphère, passe ses morceaux à la morphine, signe après ça un Drowning by Numbers drone que la basse fait groover magiquement, le rendant tout à la fois cold et psyché.
On se laisse choir, une fois de plus, dans l’abîme Boris. La voix, encore, se fait chuchotée. Ca prend merveilleusement. Derrière de belles souillures, récurrentes, ornent l’effort. Sur Invitation, pas plus vivace et tout aussi captivant, on suit une voie similaire. Boris sait y faire, recourt à des sons inquiétants, élabore des édifices grisés. The Fallen, aux guitares heavy à la fois rugissantes et mélodiques, métallise le tout avec efficience. Il extirpe W de sa léthargie, lui confère bruit et agitation, se termine dans le fracas sonore. Beyond Good and Evil, dans la minute suivante, renoue avec une trame calme, dénuée de tout vacarme. Quoique…un coulis shoegaze délectable, finalement, survient en se couplant à la soie du chant. Voilà une réussite, une de plus, à mettre à l’actif des Japonais. Qui, ensuite, livrent un Old Projector fait de cette même vapeur dreamy proche de l’inertie qui enveloppe l’album et en fait la sève.
Alors que You Will Know (Ohayo Version), sur plus de neuf minutes, alterne secousses et hypnose en se parant, dans le même mouvement, de bruits dark et lumineux. L’opus mérite bien plus, à l’évidence, qu’une simple écoute distraite et quoiqu’il en soit, il happe bien vite l’oreille. Boris, c’est acquis, paraphe un ouvrage de tout premier ordre. Jozan, chargé d’y mettre fin, ne se fait entendre que de très loin. Qu’à cela ne tienne, W a d’ores et déjà fait son oeuvre et converti la plupart d’entre nous à ses milieux troublants. Le temps qui passe, sans effet négatif sur les créations de la clique Tokyoïte, semble même la bonifier. On s’entichera en tout cas, sans tarder, des plages qui jonchent ce W d’une qualité optimale.