La Houle? La sienne, sur La Chute, est agitée. Shoegaze, ambiante, mélodiquement bruyante (ou l’inverse). Ca va être, je vous l’annonce, l’un des tous meilleurs disques de la fin 2021. En tout ça en Français, chers compatriotes, le long de dix plages (excusez le jeu de mots un peu facile) où les vagues sonores viennent s’écraser comme un soir de tempête. Simon Sockeel, trouvaille pépitesque de notre sphère indé, se poste entre Marc Seberg, Cocteau Twins et Stereolab, nous dit la promo. J’y ajouterai My Bloody Valentine, pour le crachin shoegaze truffé de sons qu’on adore (Toi (ce moi)), et un p’tit Sonic Youth de derrière les larsens pour les grosses éraflures de guitares qui se permettent de lézarder ce skeud envoûtant.
Après un ep, un huit titres et un album concept, La Houle revient se poser chez lui, entre la côte d’Opale et les Flandres belges. C’est dans l’ancien atelier de peinture de son grand-père, nourri des confessions de sa grand-mère, que le désormais angevin (il sera, là-bas aussi, bien « environné ») s’attaque à la conception de sa nouvelle oeuvre. Le producteur Clément Fortin (« Funtastic » de Tapeworms, excellente came aussi çaaa!) l’épaule, les doutes, interrogations et embryons de bonheur lui servent de sève. Au final, il pond un album magistral qui après Quelque part? (intro), ambient aux airs de field recording où sonnent les cloches, déclenche un premier tube qui répond au nom de Sémaphore. Une pop-noisy, comme si Daho copulait avec Kevin Shields ou le Yuck de l’album éponyme, dont émergent des vocaux poético-mélodiques. Ou mélodico-poétiques, comme bon vous semble après tout.
C’est emballant, on y breake mais pas longtemps car l’urgence, ici, est de mise. Jouissance sonore, très 90’s. Où suis-je? assure, après ça, un interlude ambient auquel succède Ode à l’errance. Voix comme susurrée, qui s’affirme ensuite. Tempo rapide, pop de caractère qui ne rechigne pas à tremper dans le boucan. La Houle est en ce moment même sur la route, on lui souhaite par conséquent une Errance tout aussi porteuse que sur ce titre. Toi (ce moi), cité plus haut, d’abord spatial, électro de manière songeuse, s’élève dans un brouillard dreamy qui, vite, enfle et bruisse. Vain non!, comme on dit par chez nous. October Tone et Music From The Masses, les 2 labels qui sortent La Chute, peuvent se frotter les mains; ils ne se casseront pas la margoulette. La pêche est fructueuse, L’égarée s’engonce dans des sonorités à nouveau profitables, dans un doux-amer au rythme discret mais insistant.
Le verbe, chez Monsieur Sockeel, reste qualiteux. On sait bien, t’façon, à qui on a affaire. Les sorties précédentes l’ont souligné; le mec est un doué, à idées variables, qui ne s’endort pas sur ses lauriers. La mort des amants, rythmiquement kraut, est lui aussi un « tubinet » signé La Houle, « que si tu l’aimes pas c’est qu’tas pas tout pour toi ». Il fait l’objet, de plus, d’un clip qu’on risque de mater encore et encore. La Chute ne flanche pas, reste droit dans son shoegaze, dévie tout de même sur le plan sonore, maintient une attraction bien supérieure à la moyenne. J’ai pas fini d’en parler, dans ma ville, à tous ceux sont je sais qu’ils aiment la pop espiègle et bruyante. Ils m’en remercieront, le digipack mérite largement quelques billets. Le titre éponyme, élagué, se déploie dans une douce syncope. Il brille, brille et rebrille, quand arrive son duel vocal serti de notes lumineuses. Il étire, en plus de nous séduire, le spectre musical inhérent à La Chute. Apocalypse (über alles), brise vive à la lisière kraut, laisse ses rouleaux le déchirer. Avec brio. Ses motifs sont remarquables, sa vitesse mord les fesses.
A qui résisterait encore, La Houle oppose des arguments irréfutables. En toute fin de parcours Sans appel, dans une cadence qui me fait penser…à One hundred years de The Cure, catapulte l’ultime fissure noisy, groovy, qui casse brusquement l’élan de ses bruits acides. C’est l’accalmie mais la tempête, qui guette, reprend vite ses droits. C’est bien de (La) Houle qu’il s’agit, elle déroule au gré des tourments et inspirations de son auteur. Elle nous gave, généreuse, d’une pleine calanque de morceaux susceptibles de nous faire sombrer dans la dépendance. On peut y aller, les yeux fermés. L’addiction est saine et La Chute est très certainement un produit ensorcelant, dont même la pochette plaira et bousculera notre imagination. Superbe disque.