Holy f+++, Gontard is back! Quatre albums déjà et celui-ci, Akene, me prend le chou d’emblée. Trop posé, pas assez osé. Trop optimiste (dans le ton), moyennement pessimiste. Mélodique, enjoué ou quelque chose comme ça. De prime abord, décevant. Sauf que là, copain d’infortune, c’est à Gontard « from Valence », passé par Romans et y’a pas d’quoi en faire toute une histoire, que tu as affaire. On l’connait bien, c’est comme les Cloup et autres Mendelson, ouais c’est ça, celui qui arrête au son de son fabuleux dernier album. Il fait semblant de maîtriser, de connaitre la société, défend les pauvres gens -ça fait cool-, dépeint le monde avec une acuité de sociologue. Bref, c’est un bon, un vrai. Il nous narre ses histoires, on sait même pas si vraies elles sont mais on tombe dans l’piège « direct », tellement il les enjolive et nous les rend attachantes. Le plein de super étant fait, à l’époque c’était moins cher, on s’embarque dans une virée étoilée aux contours french pop. Virée d’fauchés, virée entre potes, la vie dans l’coeur et la pimpance musicale comme compagne de route. On n’est pas si mal, finalement, quand s’amorce l’aventure. Le mec se fait reggae, sur La séduction. Il y arrive, le bougre! Elles sont toutes à ses pieds, où plutôt à ses notes. Nous aussi, si si. Il est habile, le gaillard; il te parle de l’humain, met des fleurs autour de ses proches, t’émeut à l’extrême sur le merveilleux Femme d’entretien et sa langueur orchestrale.
Clin d’oeil aux gens modestes -ceux qui ne sont rien, dirait celui qui n’est pas grand-chose-, cri du coeur, la chanson resplendit. Les loups lance son parlé-chanté sur lit de pop chatoyante, plutôt alerte. On note, à nouveau et c’est pas nouveau, la prestance du décor. Ces voix de femmes qui bordent le morceau, en choeurs et en coeur. On y revient. Prénom-dropping, débit urgent. Gontard aime le peuple, il prétendait d’ailleurs Repeupler en 2016 et depuis il a gagné ses galons, pas volés du tout. « Les loups, c’est nous, les loups, c’est nous! ». Refrain entêtant, brio d’un mec indispensable à notre quotidien. Akene Guetno (bien joué, le tour de passe-passe verbal), rythmé, est une pépite. Y’a qu’ça ici, tu m’diras, conquis toi aussi. Exactly l’ami! Gontard marie, pour le meilleur, vies qui flanchent, souvenirs touchants, êtres généreux et beauté musicale confondante, illustrée par les cuivres à la Calexico de La chanson de Cédric. Il détient, fatal, un impact dans la description, dans la narration, caractéristiques des artistes cités plus haut. Il est bien entouré, renvoie un ressenti qui ne peut tromper. C’est Gontard, on le reconnait « direct ».
Photos Clizia Centorrino.
Avec Camion, notre homme continue à déployer, plus large encore, son champ sonore. Pour le coup, ça s’opère entre verbe remarquable et envolées enflammées. Akene sent la liberté, incite à l’insouciance en dépit de ses quelques tranches d’écueils (Homme perdu, constat d’échec aux tonalités jazzy subtiles. Faillite, poignant, dénonciateur aussi). Tout se fait, sur ce Akene de haute volée, sous l’ombre des mots, à la lanterne de celui qui résiste. Au syllabes de celui qui lutte, pose des mots et rimes sur des jours âpres. Mahalia Dooyoo, déracinant, évoque même Gontard sur Misère. Il sert des sons d’ailleurs, c’est d’ailleurs chez Ici d’Ailleurs que sort l’effort de l’Iserois. Lequel, sur ce titre magique, largue les amarres vers des contrées world. Ca met en joie, l’écoute d’Akene. On en oublie, au final, que là-haut on nous traque et nous matraque. On entre en résilience, comme le suggère Cyrulnik, aux côtés de Gontard. Anemone, dans une belle étoffe pop un brin céleste, fine et bluesy, honore une dame. Suit Faillite, où Gontard plaide coupable en sachant bien qu’il ne l’est pas. Le système…
Mais on fait corps. Malgré les déboires, malgré les entraves, Le vent sifflera trois fois. C’est l’ultime enchantement Gontardien, raconté à sa manière, sans faire de manières. Gontard est un livre, ouvert sur la vie. Akene en est un chapitre captivant, écrit avec le talent qu’on reconnait, depuis ses débuts, à ce poète désenchanté autant que clairvoyant et espérant. Gontard, sur Le vent sifflera trois fois, parle aussi de ce qu’on aurait pu faire, de ce qu’on n’a pas pu faire, dresse un constat sans appel; on patauge, le meilleur est un leurre. Il touche par son timbre, dans un écrin sobre. Il propose, dans la patine musicale, un album à la hauteur de ses aptitudes, d’une plume inspirée noyée dans l’encre de l’existence. Le tout avec une légèreté qui confine à la félicité, comme si son Akene avait pour mission de balayer la désillusion. Ce qu’il parvient somme toute à accomplir, le temps de ses douze compositions aux nombreuses vertus bienfaisantes qu’abrite une pochette belle comme un camion échoué.
Photos Ray Bornéo.