Chilien basé à Londres, Cristóbal Jimenez Van Cauwelaert aka Not A Citizen oeuvre en solo, dans une sphère au sein de laquelle bribes jazz issues d’un saxo de toute beauté, scories hip-hop, vocaux flottants, guitares typées et ambiances diverses dansent la même bourrée, par forcément auvergnate mais de bien bonne teneur. 13189, le nouvel album, pointe son nez chez Some Other Planet Records. C’est un peu ça finalement, le disque parait sortir d’un autre monde et allègrement, il groove sans jamais sombrer dans le linéaire. Il est beau à l’écoute, soigné mais aussi capable de dévier; le titre éponyme, s’il ne dépasse qu’à peine la minute trente, développe un jazz malade, lancinant, de cadence hip-hop lascive. On s’attend, de suite, à être surpris. Floating away laisse vocaux psyché et drums hip-hop faire le boulot, dans un climat très vite prenant. Frogs, plus tapageur, ne se classifie pas d’avantage. Bluesy, rock et entrainant, il provoque du plaisir, par vagues, et se marque d’une basse charnue. Ca fonctionne, le saxo vient d’ailleurs parfaire et enjoliver la fin du titre, en instrument d’un apport audible.
Après ça Broke again, où l’instrument à souffle introduit les débats, joue un sorte de jazz qui, par moments, m’évoque Morphine. On y trouve la même ouverture, une portée similaire et ce besoin de liberté qui caractérisait le clan du regretté Mark Sandman. De superbes guitares interviennent, la chanson en ressort grandie. Not A Citizen dispose d’un registre qui tient le choc, résiste à l’épreuve des écoutes en pluie et renvoie une dose d’identité créditrice. Sin Tus Ojos, Yo No Te Puedo Ver, exotique dans ses percus, regorge de prestance et de coolitude dont on s’imprègne. Avec, comme à l’habitude, une fumée psyché bariolée au jazz hors-champ. Andes suit en rappelant Portishead, pour son canevas neurasthénique à l’ornement sobre et magnifique. Un brin soul, il flotte et se refuse à toute tentative de classification. C’est tant mieux, 13189 y gagne en attractivité. Black and Blue Cheese, surfy dans ses guitares, prend alors et à son tour un chemin différent. Il twiste, se fait turbulent, à l’opposé de la torpeur du « track » d’avant. Il est aussi classieux, rude, racé. Midnight ride l’est tout autant, sur un ton plus céleste. Ses voix floues, son parti pris brumeux lui confèrent de l’allure.
Quelques nappes de brouillard plus loin empty streets, d’obédience jazz-rap feutré, décolle lui aussi vers des terres gentiment psychotropes, psychédéliques, qui incitent à l’abandon. Saxophone de velours, chants de soie, étayage nacré, on a là tout ce qu’il faut pour siester avec, en surplus, la jouissance auditive assurée. The Last Dusk, en conclusion, suinte une soul-jazz de la même matière, merveilleusement saupoudrée. Homme de talent, Not A Citizen nous adresse une missive sonore peaufinée, enveloppante, qui sans grand boucan impose ses textures et son brassage. Un album à la beauté hybride, distinguée et tantôt agitée, recommandable à tout un chacun sans danger autre que celui de s’en éprendre.