Meule vient de Tours et risque, de ce fait, de nous jouer un tour pendable. Il se compose de musiciens dont les groupes se nomment Thé Vanille, Mopa, C4DILL4C ou Lehmanns Brothers, de Tours eux aussi. Ca sent donc bon. A l’aide de l’attirail suivant: synthés modulaires, une guitare et deux batteries, la clique de zicos désosse un kraut Canien, fait mumuse un peu partout, hypnotise tout le monde et enfante une électro que Getaway, par exemple, fait flotter dans le vent et malmène tout en l’acidulant de déflagrations soniques délectables. Faut êt’ prêt, Meule se fout pas d’ta gueule mais en revanche, il se fait exigeant dans ses constructions. C’est sûrement pour ça qu’au final, il (m’) intéresse autant. Démarre donc ta Meule (lamentable..), on embarque pour une virée périlleuse. Flush fait son Tangerine, dans la rêverie bien sur. Il ondule, se module dans l’air (bien bonne aussi celle-là…), remplit nos auges de sons célestes. Son chant caresse, spatial lui aussi. « Ladies and gentlemen we are floating in space », comme le dirait Spiritualized. Mais soudain, on se fait catapulter vers des sphères kraut au rythme tendu. Ben voilà, j’aime. Ca se pare de sons fous, à teneur psychédélique. Les voix osent le cri, le bazar s’emporte et nous enthousiasme.
C’est plié bébé, le début vaut son pesant d’auditions mais derrière ça, il reste cinq plages qu’il s’agit de ne pas occulter. On tente la redescente mais Diois, aux boucles qui virevoltent et voix qui obsèdent, nous en empêche. Avec Meule, tu resteras perché. Hébergé par Figures Libres Records, dont il honore tout à la fois le catalogue et les deux premières mots, Meule est fulgurance, sonisme déviant et groove de l’espace dont rarement tu te dispenses. Il assaille, rudement mais avec subtilité, sur le terme de ce deuxième « track ». Puis Getaway, de ses tritures quasi funky qui se répètent, se place entre planerie et ruades sonores. Il explose, dans un geyser à la Meule. Celui-ci vient de Tours, je me plais à le redire, alors il ne peut faire dans le médiocre. Inconcevable. Rand lover hausse le rythme, puis se hache. J’y entends du dub, derrière un contenu qui louvoie. Ai-je bien perçu? Peu importe, c’est le rendu qui compte et de ce point de vue, les trois hommes tiennent bon la barre. S’ils prennent, parfois, le risque de chavirer, c’est pour mieux nous emporter dans leur recoins, leurs méandres, sans qu’on y laisse de notre intérêt pour le boulot fourni.
En cinquième place Cactus d’hiver galope, livre des mélopées vocales de choix mais ne peut s’empêcher, passé au soufre, de faire dans le sonique. Notons d’ailleurs qu’à ce niveau, Meule fait fort et instaure une recette dont on ne peut contester l’efficience. Et l’excellence. En même temps, quand tu viens de Tours…bref, celui qui ergote n’aura pas saisi. Ou bien, il est de mauvaise foi. Meule termine Sans les mains (n’était-ce pas déjà le cas?), au risque cette fois de manger le bitume. Agité, le final tient en un voyage où les genres s’imbriquent au service du projet. Psyché, kraut, électro d’entre les « clouds », furieux et impétueux mais aussi futé, sagace dans ses dosages, dans ses arrangements, Meule nous fait don de six pièces au caractère trempé. Ce faisant, il élabore un registre à lui, digne du pedigree et du savoir-faire de ses auteurs, qui lui permet un départ concluant.