Projet d’ Alison Flora, par ailleurs artiste visuelle, Sopoorific s’inscrit dans un créneau où cold wave, ambient, dungeon synth et réminiscences new age fréquentent les mêmes recoins, tapis dans la grisaille. Choc des ressentis, ce premier long format qu’est Auras Around Humans intrigue, s’assombrit, chuchote, traverse la brume et finit par captiver. Longtemps. Il fascine, même. Le titre éponyme, en début de K7 à la jolie pochette, se pare d’un pouls électro qu’une voix fantomatique, et des motifs de synthé vaporeux, surlignent. Saisissant, d’emblée. Le canevas est dark, avec Grasshopper ce sont ces mêmes machines qui se « new-agent » dans une répétition hypnotique. Il laisse place à Blessed with the silent rain, superbement clippé, sortant de la nuit. Ici aussi, l’attraction est marquée. On se laisse happer, mettre en torpeur, par un effort entièrement prenant. Ankh-Af-Na-Khonsu fait son Coil, son Dead Can Dance, et bruisse sus l’effet de percus dont les secousses, alliées à la texture développée, inquiètent délicieusement. En son mitan le morceau s’habille de sonorités trippantes, qui finissent de singulariser l’album. C’est dans ces courants-là, décalés, qu’on trouve félicité.
Avec And It Occurs When Things Are Unbalanced, on replonge dans le brouillard. Lente, la chanson rêve et fuit le réveil. On sombre. Wet bones, aquatique en son début, greffe bribes de voix et bruits apeurants. Opus de textures, de climats, Auras Around Humans n’a pas son pareil. Il sort chez Grande Rousse Disques, label dédié aux « Musiques sombres et pop au coeur lourd ». The fallen animus tinte, flotte, s’envole. Quasi immuable, il offre toutefois une variation qui ne fait qu’en accentuer l’attrait. Molosse, électro-dark aux portes de l’indus, lance des syncopes truffées de bruits groovy. On ne fait rien, chez Sopoorific, qui de près ou de loin embrasse la normalité. Valley of murder, en dépit de son intitulé, est lui presque serein. Mais noir, tout de même, car Alison Flora n’a pas pour habitude de gazouiller outre-mesure. Répétition, diront les détracteurs. Addiction, répondra celui qui, moins fermé, s’en sera imprégné. Et qui, au son de ce They Came from the Sky perché très haut, troublé par un rythme et des atmosphères dont on ne peut ni ne veut s’échapper, tombera sous l’emprise.
En une prise, fatale, létale, Auras Around Humans oblige à s’y soumettre. Gamaalan Bells, pour le clore, développe une trame new-age faussement tranquille. Il perturbe, se veut linéaire mais ne l’est pas vraiment. Au gré de subtiles incrustes, Sopoorific construit un univers où l’on s’abandonne, auquel on se donne, sans résistance ni véhémence. Son album fait partie, sans nul doute, de ceux qu’il faut « attraper » mais qui, une fois qu’on a passé le cap de l’assimilation, recèle des trésors de richesses et une portée émotionnelle définitive. A l’image, finalement, de tout ce qui sort du cadre et impose d’être « dompté », à contrario des travaux lisses et sans âme que nous livrent les artistes soumis.