Duo de Rouennais dérangés, groupe en vrac devant lequel on craque, Modern Men poursuit son entreprise, Anéantir le monde moderne donc, un peu Partout en France. Pour ce faire, le Canadair normand largue six torpilles et pilonne sec, avec en ligne de mire dérives sociétales et gouvernementales. Nul étonnement, dès lors, à ce que son discours prenne une tournure remontée. Quentin et Adrian (leader de MNNQNS) amorcent l’assaut au son d’un 2019 électro d’abord rêveur, lancé par une voix hispanisante. Voix robotiques à la Marvin « from Montpellier », chant-bataille, séquences saccadées ajustent un premier tir d’ores et déjà persuasif. On alterne entre songerie et emportement, de manière avisée. Le titre éponyme, sombre dégelée synth-punk braillée avec l’énergie de celui qui a compris, achevant de crédibiliser les deux acolytes et leur nouvelle fournée sans concessions. « C’est la même merde, partout en France!! »…. »ceux qui s’en sortent sont les plus vicieux! »: sans détours, Modern Men hurle sa vision.
Partout en France, on devrait les écouter, ces oiseaux (de bon augure)-là. Sous des aspects débraillés, ils ont des choses à dire et pour ça, outre le fait de ne pas se planquer, ils nous fabriquent des écrins bien destroy. FFNHR grince et ondule, flirte avec l’indus dans ses bruits d’ornement. Il ne s’agit pas de gazouiller, le cui-cui les p’tits oiseaux se voit logiquement relégué aux calendes grecques. La fièvre électro underground, pulsée, de Hear nothing vient groover jusqu’à pénétrer les esprits. Modern Men nous est nécessaire, il dévie et balance tout en gratifiant son monde de bondieuseries musicales pas piquées des hannetons. Un saxo, si je ne m’abuse, vient siruper l’effort mais aussi, et surtout, le faire gronder. D’un seul coup, ça stoppe. Normal, tout est dit. Sale bête, s’il retombe en force de frappe, se faisant plus céleste, n’en dit pas moins. Souriez, vous êtes…épiés. Traqués, Partout en France. Sale(s) bête(s) que ceux qui, impunément, attentent à nos droits. Mixing my pain with hate, doté de synthés pas très loin du guilleret en contrepoint avec des voix vindicatives, de boucles entêtantes aussi, s’en vient finir la partie compos. Modern Men s’en sort, une fois encore, en faisant corps, avec un foutu brio. On s’attaque alors à la partie covers, pour se rendre compte que dans ce domaine, on ne se nourrit pas de petit lait.
Photo Félix Ramaën.
Ah non tonton, c’est d’abord Lock me up (ft. Grand Guru-bonus) qui s’amuse à trafiquer ses vocaux, s’emballe, fait danser (dans le noir) et impose ses soubresauts nuptiaux. Trop bon l’bazar, joué de pair avec un autre olibrius furieusement doué de la scène rouennaise. I’m so tired (Fugazi cover) percute ensuite et à son tour, porté par un groove électro grésillant, que zèbrent des rythmes secs. Minimal, l’ep fait mal. A ceux qui rêvent, dans l’ombre, de faire aussi bien. Modern Men lui met fin en hurlant Banned in D.C. (Bad Brains cover), ainsi que H.R. aimait, jadis, à le faire. Ca bruisse de toutes parts, on se situe en deçà des deux minutes. Le chaos, comme Partout en France finalement. Un EP « extended » rougeoyant, offensif mais diversifié, bardé de titres qui secouent la tour d’ivoire. Celle où nichent les pires: les vautours, les rapaces à l’esprit dégueulasse, qui sans scrupules appuient sur la gueule du peuple, en amenuisent le quotidien. Ils tomberont un jour, frappés par la foudre de ces formations ni dupes ni soumises, telle Modern Men et sa discographie-labyrinthe de haut vol, aux sorties pour le moins lucides et convaincantes.