Groupe basé à Dublin, avec pour socle essentiel la paire Florian Chombart/Donna McCabe, A Ritual Sea évolue dans une sphère shoegaze réverbérée, dont émerge une lumière diaphane. Ce disque éponyme est le premier long jet du clan; il sort chez Icy Cold Records, qui est l’une des références en matière de différence, et charme le long de dix morceaux envoûtants à plus d’un titre. Il y a d’abord ce chant, sucré/ombragé, qui n’est pas sans évoquer, par instants, une Hope Sandoval. Le registre est rêveur, il se fend toutefois d’embardées qui bruissent et sèment la tempête (Violet). Le thème de la crainte -celle de perdre ceux qu’on aime, celle de perdre le contrôle, celle de l’insécurité…- revient, dans la récurrence, et élève les débats. Radiate, délicat, amorce une série de songes prenants. On s’y égarera, bien vite, pris par les climats qui en émanent. Décor fin, arrière plan troublé, parfois lézardé. Le rendu ne manque pas de chien. Seasons (Like You) se fait plus vif que l’entrée en matière, il renvoie le même pouvoir d’attraction. Beau à entendre, piquant quand il le sent, A Ritual Sea n’a pas volé sa place chez « ICR« , où il trône aux côtés de formations elles aussi mémorables.
Desire lines, fonceur tout en restant subtil dans ses notes, confirme. Sa dualité vocale est magnifique, son côté alerte bienvenu. Ce n’est, certes, qu’un premier album mais incontestablement, on est en présence d’un groupe qui recense toutes les qualités nécessaires à tenir sur la durée. Serpentine, d’une dream-pop légèrement cold, me fait penser à la joliesse d’un Motorama dans ses temps les plus posés. Because You Hate to Care About brille par ses choeurs, par son penchant, à l’instar de Desire lines, soutenu. On salit, sans en écorner l’éclat, le répertoire. On le fige, presque, quand arrive Prisms. Lentement, le morceau devient plus noisy. Rien à redire, A Ritual Sea parvient là à une collection aux airs 90’s diablement attachants. C’est avec bonheur qu’on poursuit l’écoute, au gré d’effluves pensives.
Saving grace s’en fait l’écrin, Violet laisse ensuite l’orage se libérer. On approuve, ça vient brusquer l’ensemble et la succession des voix amène ce petit quelque chose qui, allié à des qualités évidentes, incite à rester dans le coup. On les souhaiterait même plus fréquents, ces coups de semonce. Ils tourmentent le terme du morceau, réellement bouillonnant. Hit a lie se présente ensuite, lent et lascif. L’alliage des voix, à nouveau, fait son effet. Sans faille, l’opus attire et prend des allures de bulle sécure, en rempart aux doutes exprimés dans ses textes. C’est un refuge, tout comme bon nombre de disques dont les textures « abritent » leur auditoire. On ne se privera donc pas de l’offrande, qui se termine sur un Silver Morning dont l’atmosphère fait surgir le souvenir de Mazzy Star.
L’affaire est pliée, A Ritual Sea passe l’épreuve du premier album avec un brio notable. Il affiche de vraies promesses, dont on ne doute guère qu’à l’avenir, il saura les tenir. Son identité est déjà perceptible, la fiabilité de ses compositions se veut le gage d’une belle tenue. Inutile d’ergoter, il y a même du Slowdive dans ce que fait A Ritual Sea. Le rapprochement démontre, bien entendu, la grande valeur des dix chansons dévoilées par ce groupe au petit monde dont on peinera à s’extirper une fois la visite terminée.