D’une telle association, on aurait pu douter. A l’écoute du rendu, on n’arrête pas d’y goûter. Parce que de l’alliance, moite, sensuelle, viciée, rythmée, kraut, psyché, de ces deux artistes à priori « contraires », naît une complicité qu’on n’aurait pas soupçonnée. Laquelle, renversante, débouche sur un De Película d’une telle teneur, d’une telle chaleur (Que calor, avec Edi Pistolas. Percutant, hispanisant, enivrant, tubesque: t’en veux encore? Alors rejoue-le), qu’on ne peut qu’y succomber. D’un niveau au séant posé sur les sommets, la rondelle affublée, de plus, d’une pochette magnifique renvoie, dans les cordes n’importe quel belligérant désireux de lui faire barrage. Saul, narration d’une histoire de vie qui déjà captive, propose pour débuter un premier track addictif. Musicalement, mais aussi dans le verbe et la thématique. Sons électro « Garniertisés », groove perpignanais fatal et obsédant, chanté par Lionel, frappé par Marie. Emballé, on se fade ensuite un Je rentrais par le bois…et là aussi, là encore, les motifs et la cadence, même privés de voix, font péter le verrou. On est sous hypnose. Juliette, dans la caravane, ondule et serpente. Il pique, se fait acidulé. Que calor! Ca tombe à pic, la température monte d’un cran supplémentaire. On pourrait, le morceau dans les fouilles, le répéter jusqu’à tout faire péter. Ca serait occulter, mastoc et sans fissures, le reste de la piqure. Que Promenade oblique, sonique, strident, plonge plus profond encore dans nos veines. On en a, d’ailleurs (de la veine); Tu tournes en boucle, comme à la parade, sacre l’association.
Personne, sur l’opus, ne se taille la part du lion. Chacun place ses pions, en phase avec le jeu de l’autre. Steeplechase m’évoque les Young Gods, spatial et martial. Fonceur, défonceur. Défoncé. Imparable. Instrumental, et monumental. Juliette, née sous X, lâche alors ses effluves. Très 70’s, tragiques, enfumées. Ca sent le plomb, la déviance, et Lionel nous narre du grave avec classe. Passée au souffre, à la souffrance, à l’existence cabossée, voilà une énième composition de tout premier ordre. On a le sens ici et partout ailleurs, du climat. Juliette le fait tendu, ou plutôt sous-tendu, et sonique dans sa lancinance. On l’aura compris, mentiront ceux qui prétendront le contraire: De Película dépose les Limiñanas, et leur acolyte, bien au dessus de la mêlée. Ne gâche pas l’aventure humaine, au moment d’amorcer le dernier tracé, pulse et se fend d’incrustes valables. « Psychélectro », l’album transpire le brio et n’en fait jamais trop. Pour le coup, des « Je t’aime » féminins font que plus encore, on s’entiche de l’effort. Riffs funky, dynamique kraut, scories brumeuses élèvent les débats, déjà de haut niveau.
C’est le moment que choisit le sieur Belin, Bertrand de son prénom, pour poser sa voix sur Au début c’était le début. Paisible ritournelle, aérienne, que logiquement son organe fait reluire. Il y a du Bashung dans ce chant, du délié amer dans la chanson ainsi offerte. Très attendu dans ma chaumière, De Película y postera ses atmosphères, son cachet, son dynamisme et ses élans plus insidieux. Saul s’est fait planter en est, il marie prestance musicale et tons détendus. Il bruisse aussi, un peu, et fuzze car chez nos Limiñanas, on aime ça en plus de bien le faire. Ici tout est réussi, jusqu’au digipack qui abrite un livret aux lyrics grand écrits, histoire qu’on s’en imprègne dans l’immédiat. C’est chose faite, depuis nombre d’écoutes déjà, dans mes bases et bien ailleurs. De Película, qualitativement inattaquable, massacre l’adversaire et permet à ses auteurs, au talent inondant, de poser un jalon plus qu’estimable dans leurs discographies respectives.