Potochkine est français, il allie un francilien et une toulonnaise. Depuis Libérez votre Imagination (avril 2016), trois titres donnant une séduisante idée du style mis en avant, les deux comparses affinent leur posture entre EBM, cold-wave et zones d’ombre dans le chant, au gré d’un groove électro omniprésent. Avec Sortilèges, où l’on pense parfois à nos regrettés Risqué, se suivent huit morceaux qu’Eros, acidulé, assez appuyé, lance en faisant valoir des incrustes sales et boucles obsédantes. La paire est visiblement à son affaire, on shake les booties et la mutinerie du chant amène un plus indéniable. Les chevaux, plus atmosphérique, met en évidence une plume déviante et affutée, avant de s’emballer et l’auditeur avec.
Ici aussi, on dégote des sons qui créent l’addiction. Les gimmicks traversent la nuit, les phases EBM de rigueur sont bien évidemment enthousiasmantes. Quelques guitares, à la manière d’un Battant, s’invitent. On s’immerge, volontiers, dans le monde de Potochkine. Possédée pulse et manie une poésie décalée. On y entend, comme souvent sur Sortilèges, une pluie de sonorités simples, sans excès, mais a-normales. C’est ce désir de fuir le convenu et le convenable, récurrent, qui éveille l’attention et sert l’intérêt d’un disque souterrain, grinçant, groovy aussi.
Pogo, synth-wave tout à la fois légère et acide, céleste et frontale, en remet une louchée. Ses voix paraissent lointaines, brumeuses. Préférer se taire inquiète, prend des atours magiquement dark que les secousses EBM élèvent. C’est le harcèlement, pour le coup, qui se fait écorner. C’est fait de belle manière, à l’aide de mots inspirés et imagés. C’est le genre d’album qui aurait pu sortir chez Unknown Pleasures Records, commentait un fan. Il n’a pas tort mais notons bien que Young and Cold, qui l’édite, est lui aussi plus que fiable. Tandis que les chiens gueulent, Potochkine tourmente et envoûte. Rien à redire, son disque vaut bien qu’on en prenne le risque. Sans discontinuer, il lie avec mérites diverses tendances dark, pour générer un résultat personnel.
Sauvez moi du chaos, de ses nappes maléfiques, de ses pulsions EBM, lâche des textes une fois de plus notables. L’intérêt nait donc du son comme du verbe, le morceau explose et libère des giclées nuptiales. Voilà des Sortilèges que paradoxalement, on accueille avec joie et vice. On en redemande même; L’intelligible et sa littérature cold, ses bruits sortis du puits, confirment qu’on est bien là en présence d’un projet à part, éloigné des ritournelles radiophoniques. C’est tant mieux, c’est pour nous autres ce qu’il y a de mieux. Je les imagine bien, ces Potochkine, se produisant tard le soir, dans un festival dédié aux courants froids. Pour l’heure c’est dans mon lecteur qu’ils tournent, rassasiant ma soif de textures sombres.
Je valide, tu valides…on pourrait aller, sans peine, jusqu’à la troisième personne du pluriel. Sortilèges est une excellente cuvée qu’on s’enfilera avidement, de préférence « in the dark » et quasi-compulsivement. C’est pour ma part une trouvaille, ça décuple le plaisir et c’est de surcroit français, ce qui prouve bien -comme je me plais à le seriner- que nous détenons en nos terres tout ce qu’il faut pour crédibiliser notre scène, fût-elle rock ou noise, dream ou shoegaze cold ou synth et je ne sais quoi encore. Potochkine est là pour nous le rappeler, il est loin d’être le seul mais ses huit plages valent de se retrouver sous le feu des projecteurs publics et médiatiques.