Pauwels vient si je ne m’abuse de Mulhouse, expérimente en produisant un barouf savant, trippant et turbulent, hypnotique comme sur N 48° 34′ 41,195″ – E 7° 42′ 6,896″ qui, sur sept minutes répétitives jusqu’à l’obsession, à coups de tambours saccadés, ouvre la porte de cet incroyable Toli, nouvel opus qui, chez les amateurs de son mainstream, pourrait faire un tollé. Le disque donne suite à une flopée de sorties elles-mêmes déviantes, sinueuses mais qui, si on se donne la peine de les suivre et de plus ou moins les maîtriser, nous offrent de longs temps de voyage sonore perturbé et passionnant. Dans le chaudron, Pauwels met l’expérimental, la noise, des effluves jazz très free et bien d’autres choses. Du Pauwels en somme car depuis qu’il se consacre à insinuer ses compositions, imprévisibles, il n’est guère plus possible de disputer sa légitimité. Passé l’entrée en matière donc, psychotrope, Angelo se pose en pavé noise maison, dark, quasiment aussi « réitéré » que la première salve.
Des sons triturés le traversent, le fissurent. Le bazar est captivant, inventif, exigeant aussi. Comme avec ces albums qu’il faut dompter, Toli demande un effort d’adaptation. Giacomo, groovy en diable, pulse et fait danser les corps. Jovan Veljkovic : Guitar, samples, synths, krar, piano; Jérémy Ledda : Drums, percussions, autoharp, field recordings; Sébastien Pablo Hermann : Guitar, synths, xaphoon, voice, samples et Bob Kientzler : Bass, voice, sheet metal plate, aux trames belliqueuses, continuent pourtant à se légitimer, forts de canevas où la voix, comme c’est le cas sur ledit morceau, perce et amène une forme de songerie avant que des soubresauts de style indéterminés ne surgissent pour la mettre à mal.
Le terme noise en peut suffire, en effet, à qualifier l’ouvrage de Pauwels. Le quatuor en repousse les limites, part à l’aventure assez sûr de lui pour, au final et malgré de nombreux détours, nous emmener à bon port. On le suit dans son périple, Olga l’embellit en instaurant un début jazzy de toute beauté. Comme à l’habitude, les motifs s’inscrivent dans la durée. Une brisure arrive, suivie d’une déflagration galopante et incoercible. Fichtre! Les gars ont du chien, des idées plein la caboche. Ils entremêlent les fils, changent de braquet, de climat…et réalisent un carton car non seulement tout ça tient parfaitement debout mais de plus, c’est génial à entendre. Ca ne se décrit qu’avec peine, c’est bel et bien l’écoute qui révèlera toute la teneur de ce Toli sauvage et stylé. La voix revient, elle apporte à nouveau un plus et du relief à l’effort des Alsaciens. De grosses balafres noise s’invitent, la chanson est une tuerie absolue. Malhowne place ensuite ses huit minutes rêveuses dans un premier temps, ensuite rattrapées par un bazardage à la Pauwels. Son chaos est salvateur, il purge et met à distance les affres de l’existence. Musicalement, c’est de plus magnifique. A la fougue se joignent des moments de bravoure, qui font qu’on n’a pas fini d’emboiter le pas à ces gaillards sans chaines, inspirés comme jamais.
Photo Laura Sifi.
Nikita, en avant-dernière position, bastonne et pilonne. C’est une bourrasque noise/rock’n’roll, digne des envolées Sonic Youthiennes les plus sauvages qu’on puisse croiser. On coupe bien entendu l’élan, nous voilà alors repartis pour de longues minutes d’assemblage sonore et stylistique sans ennui aucun, d’obédience psyché cette fois. Pauwels nous en met plein la vue, plein les oreilles, et achève sa route sur un N 47° 44′ 39,552″ – E 7° 19′ 56,194″ finaud, jalonné par des sonorités dépaysantes. Une fois de plus, le groove en marge de la troupe fait remuer les croupes. Le contenu, pour le coup, est plus « linéaire », si tant qu’on puisse user de ce terme à l’encontre d’une telle formation. On le qualifiera, plutôt, de moins versatile. Toli, pas très poli, constitue en tout cas un nouvel opus de haute volée, turbulent, inobéissant, pour lequel plusieurs labels eux aussi irréprochables, dans l’esprit comme en termes de catalogue, ont uni leurs efforts de manière louable et judicieuse.