Venu de Philadelphie, Pennsylvanie, Writhing Squares se compose de Kevin Nickles (Sax, Flute, Clarinet, Synth, Vocals) et Daniel Provenzano (Bass, Synth, Percussion, Vocals). Chart For The Solution est le troisième album du duo, qui nage dans des eaux space-rock barrées qu’un saxophone, entre autres ingrédients, arrose gaiement. On ne saurait, toutefois, le réduire à ce seul style: sa palette est éclatée, déviante à souhait, et passionnante. Les onze minutes passées, ni plus ni moins, de Rogue Moon embarquent déjà l’auditoire dans un ciel tumultueux, des tons kraut s’y invitant. Motifs captivants, de toutes sortes, et voix assénée s’allient. Giclée du sax, rythme imperturbable. Il y a, en termes d’ambiance, du Suicide dans ce début halluciné. Un break survient, porteur d’un fond serein, débarrassé de tout excès. On plane. Geisterwaltz filtre des sons acides, un chant lent. Psychotrope à l’instar du reste, il prolonge l’effet, marqué, produit par le disque. Perché, on poursuit l’exploration avec joie, livré à la démence géniale de Nickles et Provenzano. Ganymede file en jetant un rock garage bien lo-fi, lui aussi concluant. The Abyss Is Never Brighter voit la basse riffer pour apporter du groove, dans l’union avec le chant qui, ici, se pose et retombe.
A chaque titre, on valide. De partout s’extirpent des sonorités dingues: ici une flûte, plus loin le saxo, là-bas une clarinette. Sans guitare dans son arsenal, Writhing Squares délivre pourtant une intensité que beaucoup lui envieront. A Chorus Of Electrons constitue une sorte d’interlude, court et planant. A sa suite The Library, dépaysant (on y entend, dans ses élans déroutants, The Ex), inclut des voix cinématographiques. Il est céleste, brut et strident, aussi, dans certains de ses sons. Le transport sensoriel est ici garanti, sous l’égide de deux musiciens à la discographie sensiblement différente de tout ce que l’on peut usuellement écouter.
Avec NFU, voix scandée et saxophone bavard prennent la main. C’est un rock rude, désorientant, encore, que nous joue Writhing Squares. L’harmonica de Dan Balcer lui donne des tons bluesy, le titre est bien évidemment à l’opposé de l’attendu. Chart For The Solution est unique, il suit un tracé sinueux aux humeurs variables. The Pillars, sur plus de 18 minutes, traverse le firmament et agit comme une substance. Il vrille et s’anime, se fait légèrement drone, libère une foule de sons spatiaux. Il est difficile, à l’issue, de redescendre. North Side Of The Sky suit, la basse y gronde joliment. Le rendu est loufoque, sonique et vaporeux. On est soumis, à nouveau, à rude et délectable épreuve. Un chant à la Alan Vega survient, il insuffle folie et urgence. Le saxo magnifie ensuite l’amorce de Resurrect Dead On Planet Whatever, qui sonne presque comme une veillée funèbre égayée par ledit instrument.
L’opus, aussi magique qu’éprouvant -il faut, en effet, s’en imprégner avant d’en « faire le tour »-, n’a pas d’égal. Que ce soit dans la formule usitée comme dans le rendu, jamais attendu. A la fin des festivités, Epilogue nous emmène sur de longues minutes d’un jazz free aux abords noise. Splendide. Comme sous-entendu plus haut, une seule écoute ne peut suffire à complètement saisir Chart For The Solution, trop tortueux pour se livrer de suite. On y revient donc avec, à chacun des détours consentis, de nouvelles trouvailles décisives. Ceci jusqu’à l’addiction, tant il est bon et salvateur de pouvoir bénéficier d’ouvrages aussi décalés et audacieux que celui-ci.