7ème album studio du groupe, leur premier depuis The Last Romance en 2005, As Days Get Dark voit Aidan Moffat et Malcolm Middleton, les deux Ecossais d’Arab Strap, revenir dans une forme musicale optimale. Avec dans leur besace du nouveau, varié et cohérent, magnifié entre autres éléments d’importance par le chanté-parlé de Moffat. C’est The turning of our bones, dans un post-rock ombrageux à la narration captivante, qui tire le rideau sur une série merveilleuse, racée, dont seul le terme baisse légèrement -et encore- en impact. L’amorce, en tout cas, se fait exotique dans certaines de ses sonorités, griffue dans sa retenue, éclatante d’un point de vue musical. Le come-back s’annonce brillant, des nappes de cordes virevoltent et le portent bien haut. Another Clockwork Day réitère, sur un ton plus tranquille, la flamboyance de l’entrée en matière. Fin, tout aussi narratif, serti avec goût, porteur de trainées de saxophone enchanteresses, il valide la valeur d’un début de classe. Compersion Pt. 1, à sa suite, obsède par ses notes récurrentes, son ton doux-amer du plus bel effet. Et ce chant, comme de coutume, marquant à souhait, crooner, songeur et évocateur.
Le la est donné, Bluebird gazouille avec joliesse et subtilité. Il existe une symbiose entre voix et instrumentation, entre les deux comparses donc, par extension, qui fait d’ As days get dark l’un des disques du moment. Déjà distingué ici et ailleurs, ce dernier livre un Kebabylon post-pop traversé par des guitares paisibles parfois piquantes, décliné en toute tranquillité. Suivant, à nouveau, un timbre prenant à l’extrême. Les cordes reviennent, majestueuses, sobres. Dans l’étayage, Arab Strap affiche une justesse décisive. Le sax vient couiner, libre. On s’éprend, il ne peut en être autrement. Exaltante, mélancolique, la paire offre dans la foulée ce Tears On Tour où j’entends, dans la voix, Lou Reed. L’étoffe se veut réduite, laissant place à l’organe vocal qui quel que soit le chemin emprunté renvoie une sacrée patine. Un rythme discret anime le morceau, relayé par des sons célestes mais en relief. Diantre!, qu’il est bon d’entendre ça! C’est maintenant chose sûre, Arab Strap envoie valser tout regret lié à la longue attente imposée.
On a même droit, quand arrive le fabuleux Here Comes Comus!, à un rock joufflu et appuyé. L’un des titres-phare, assurément, d’un tout qui en dénombre une pelletée. Celui qu’après une première écoute, on se remet compulsivement. Cette fois le chant, derechef splendide, m’évoque Fearghal McKee de Whipping Boy. Des Irlandais. Comme quoi, chez les Britanniques, on fait les choses, très souvent, avec une touche personnelle qu’on ne peut réfuter. Fable of the Urban Fox le prouve, lancé sur ces abords flamboyants inhérents à l’opus. On relève, encore, la magnificence du bordurage sonore. Ces recoins d’ombre, cette dynamique chantée complètement probante. Ces cordes, jamais en reste, ici dépaysantes. Tout, à vrai dire. I Was Once a Weak Man, prétend pourtant le titre suivant. Que nenni, les cordes ressurgissent couplées à d’autres motifs, et embellissent la chanson. Laquelle, en parant sa beauté de sonorités plus « bourrues », en variant les cadences et climats, tutoie les sommets.
En fin de parcours Sleeper, faussement avenant, mêle le fin et l’obscur, les notes ténues avec des encarts acides. Il pose un doux tumulte, laissant le duo posté au faite de l’élaboration musicale. Je parlais, en début d’article, de baisse de régime finale. Il n’en est rien, peut-être fallait-il que je trouve un bémol: Just Enough, chargé de conclure, a de l’allure à revendre. On y trouve, calmes et déliés, en d’autres temps plus alertes, tous ces ingrédients qui font d’ As days get dark une réussite intégrale. Une pépite portée, avant toute chose, par l’identité renouvelée d’une formation qu’il sera difficile, cette année, d’égaler en impact et en personnalité.