Oeuvre de l’Américaine Merce Lemon, sorti à l’origine en août 2020 chez Crafted Sounds et Darling Recordings, Moonth est édité ces jours-ci par le label parisien Safe in the Rain Records. Depuis 2015, l’orfèvre d’une pop indé lo-fi et folky se met en évidence et son timbre de voix, de même que ses créations sonores, peuvent rappeler Liz Phair, Shannon Wright dan ses temps de dépouillement ou encore Cat Power. Détendue, sa pop scintille dès Dragon Friends, chargé d’amorcer sa quinzaine boisée et soignée. Un ensemble fait de pièces courtes, sobres, qui ont le mérite de s’enhardir de temps à autre. Trop peu pour moi, mais bien assez pour confirmer l’indéniable qualité de l’opus.
Chili Packets, de sa folk lo-fi, présentant un produit proche du live, intense dans sa paisibilité, pas éloigné du Swell de David Freel. Alors que Sardines, gentiment rugueux, permet à la demoiselle de poursuivre sur une bonne note. Il y a de la vie dans son répertoire, des mélodies pas seulement polies. Moon Shots brille, posément bluesy, imité par Golden Lady Sauerkraut qui, de son côté, trace en mode country d’obédience rock dans l’esprit. En plus d’assurer la fiabilité de son disque, Merce Lemon n’en fait pas, loin s’en faut, un effort inerte ou linéaire.
Ainsi Baby, après un début ouaté, suit-il le même chemin, galopant, que la plage précédente. Lemon accomplit tout, elle use d’un jeu sans cesse attractif qui peaufine Those Eyes. On s’en revient là à des atours tranquilles, bien parés. Hysterical Clavicle, entre batterie agitée et subtilité de l’instrumentation, puis No Other Fruit Exists et sa folk presque « à poils » reconduisent ce sentiment d’entendre des chansons jouées à nos côtés. Mugs in a Line se dénude également, puis s’assombrit, s’acidule sans excès, en son terme. Disco Ball est tout aussi ténu, Merce Lemon et ses musiciens ne dévient pas du cadre sobre qui fait ici leur succès. Dolly Sods Blues lui fait suite en postant un climat légèrement obscur, valorisé par un décor à nouveau abouti. On attend un nouveau coup de sang, l’écorchure qui affublerait Moonth d’un galon supplémentaire. Tiny man est animé, il extirpe la fin d’album de penchants certes plaisants, sans raté, mais qui manquent quelque peu d’envolées griffues.
Pour autant, on ne décroche pas de l’écoute. Moonth met du baume au coeur, a des vertus apaisantes sans, toutefois, assoupir l’auditeur. Puddles, d’un format étonnamment long au vu des durées les plus fréquentes, prend un sentier céleste, songeur. Enfin Horses, sur…20 secondes, assène un coup de boutoir d’allure quasiment punk-rock/lo-fi, qui certes arrive -trop- tard mais casse la dynamique tranquillisée des derniers morceaux. Dans le style qui la concerne, Merce Lemon signe un disque jamais pris en défaut, ouvert sans s’égarer, parfois, et ça n’engage que moi, trop posé. Elle honore grandement, en tout cas, la caste folk-indé au jeu vrai, proche de l’être et sans fard ni surplus, et ne faillit à aucun moment de ce Moonth attachant.