Veik est de Caen, Veik est excellent. Veik est dément. Veik doit à la vague allemande (Can, Neu! voire Tangerine Dream), mais avant tout à sa propre approche musicale, qui débouche sur un Surrounding Structures valeureux que sort, insigne honneur, Fuzz Club Records. Veik peut être post-punk, il expérimente…avec grand bonheur. Il kraute talentueusement, grince avec délices (Singularism), sur un rythme indolent. Veik fait tout bien, Veik fait du bien. Difficult machinery, qui ouvre le bal spatial, louche vers les terres d’un Kraftwerk, mais dans sa version calvadosienne. Veik use de motifs réduits, avec lesquels il fait le maximum. Qu’il soit serein, d’apparence tranquille, ou plus emporté, il rafle la mise et mouillera les chemises quand viendra l’heure de remonter sur les planches. Veik transporte, Veik rudoie. Political apathy, de ses sons à la OMD (si si), fait du début d’album une réussite totale. Il est enlevé, céleste également. On pense à Suuns, parfois, à l’écoute du disque. Dans sa sphère, Veik est maître et s’autorise une certaine audace. Là où d’autres font dans la puissance récurrente, lui (se) nuance, susurre, plane…sans oublier de se projeter, de temps à autres, dans des élans rougeoyants. Ses guitares brillent et dévient (ce même Political apathy), son ensemble tient la barre et se veut cohérent.
Il l’est, d’ailleurs, de bout en bout. J’étais pressé, ayant « checké » l’annonce de la promo, de recevoir l’ouvrage. Je ne m’étais pas trompé; passé une première sensation, fugace, de très léger manque de relief, Veik remplit l’espace et se rend indispensable. Très vite. L’hypnotique Honestly (I don’t wanna know) vire bruitiste, mais conserve des sonorités guillerettes. Ou presque. Veik nous accapare. Life Is a Time Consuming Experience, dont le début m’évoque les Breeders de Pod dans ses sons de basse, use de ce chant aux abords du monocorde, qui lui donne une p+++++ d’envergure. La chanson vole, telle une plume, et polit l’ensemble.
On en est alors au mitan de la traversée, Château guitar fait vriller ses guitares, place une cadence technoïde insistante. Boris Collet (batterie / voix), Adrien Legrand (synthés / chœurs) et Vincent Condominas (guitare / basse) font le job avec la touche des meilleurs. Château guitar s’emballe, hurle comme un Suicide. C’est beau et fulgurant, ce bazar là. Veik envoie du steak, tout aussi performant que lorsqu’il se bride. Same old arguments n’en manque pas (d’arguments). Pris dans la brise, dénudé, il erre dans la stratosphère. L’embardée est paisible, psychotrope. L’esprit est capturé. Le titre éponyme, ensuite, flirte avec les essais d’un My Bloody Valentine. Si si. Brumeux, il précède Downside (I wanna know), au déroulé flemmard mais affirmé. On note, abordés ici, des sujets attrayants (troubles socio-politiques, individualisme et autosatisfaction, l’individu et le collectif…), à la matière puisée dans le vécu de chacun. Donc vraie. Il se compose, ce Downside (I wanna know), de deux volets opposés qui tranchent en étant pourtant, globalement, étroitement liés. Le trip est perché, ses effets prégnants.
A l’issue, Chullachaqui propose un ultime voyage syncopé, psychiatrique, du plus bel effet. D’une durée plus étendue que le reste, la composition décolle et oscille, vêtue de sons en phase directe avec l’espace, mais aussi de voix folles. Pour un premier long jet, Veik réalise une prouesse, après quelques ep et des scènes avec The Soft Moon, Tomaga et Vanishing Twin, pour résumer. Je relève aussi, étant d’ores et déjà lancé dans la réécoute de l’objet, ses tons à la Primal Scream audibles sur Difficult Machinery, appréciables évidemment et significatifs, avant toute chose, d’une identité forte que Veik exploite là avec maestria.