Wolf City is a solo project from the western suburbs of Paris. Bon voilà, démerde-toi avec ça. Mais c’est rien, l’essentiel n’est pas là: ce gaillard, Français donc, est tombé dans le chaudron de l’écorché musical, dans la marmite des oreilles ouvertes et de l’éventail bien déployé, arrosé par diverses sources stylistiques. Il a sorti, déjà, plusieurs supports captivants. Empire est le premier à me chatouiller les cages à miel, à les flatter par ses régulières déviances soniques et ses seize titres sans concession aucune à tout comportement sage ou rangé. De la Music for underground and lo-fi lovers, comme lu sur le Bandcamp de l’entité. Voilà qui a de quoi attirer! C’est là tout ce que j’aime et me voilà pris dans la roue d’ Inside the empire, premier morceau psychiatrique et trituré. Diantre, on dirait, un peu, Dälek ou Moodie Black! C’est dire si c’est bon et Wolf City, sur cette amorce, prolonge le malsain à l’orée des dix minutes. Déjà inclassable, il marie sons bruitistes, rythme lascif et vagues psycho malades.
Le discours est noir, indus dans sa répétition, addictif. Genghis Khan, qui fuzze tout en se faisant presque mystique dans son décor, beau et crié, fait mouche dans la foulée. Si tout ça perdure, en impact, sur les seize chansons annoncées, alors Wolf City va devenir notre idole souterraine. Speaking in tongues (album edit), un brin funky mais dans le sale, bien évidemment, étire encore le champ sonore. Il se pare d’encarts brièvement dingues, se déroule peinard et renvoie, couplée à ses abords dirty, de la pureté. Idols, à sa suite, dépayse et suinte une électro-world/indus hurlée, magique, intense. On n’a sûrement pas fini d’en faire le tour, ce Empire vicelard, raffiné, possédé.
Death trap, de ses flux une fois de plus au carrefour du subtil et du grésillant, en remet une couche. Dans ses décors, Wolf City est au sommet de l’imaginatif. Il vrombit, caresse -pas trop- et emmène son auditoire loin de son perchoir. Cavemen, de guitares grondantes en notes ténues, nous y maintient. Noise, élans presque orientalisants, chant modulé forment un tout encanaillé mais aussi sensible, Forest et sa cold-wave mâtinée de bruits des quatre coins du monde, groovante et démente, valide. Dans le chant et même si ça peut surprendre, on dirait, un peu, Shaun Ryder. Puis, quand la rage survient, Nick Cave sur lit de grattes Stoogiennes. Ganesh, aux vagues allures d’Asian Dub Foundation noisy, entre riffs crus et phrasé quasi hip-hop répété, entre à son tour en collision avec nos cortex. Wolf City, à son avantage, se plait à vêtir son ouvrage de matière audacieuse, dans une constance impressionnante.
Mercury, où percus et vocaux posés s’allient, puis Shining et son ciel faussement serein, raflent la mise. Qu’il s’enfonce dans la folie ou se fasse plus « sage », Empire ne lasse personne. Ses fréquentes sorties de route, au contraire, incitent à le jouer jusqu’en son terme. Des scories psyché en retombent, Rebels se pose en crooner loufoque et bruissant. Le chemin est rarement droit, les balises mouvantes. C’est ce qui fait le sel d’un opus de plus en plus empoignant au fil de son parcours. Voyage of the soul, tribal et brumeux, puis méchamment rock dans ses guitares, le démontre. Ses voix en opposition le relèvent, suivies de ces grattes guerrières. Snake temple suit, saccadé, ondulant, sans raison en vue. On est frappé, à nouveau, par l’impact de l’étoffe. Trop bien copain, j’en profite pour te rappeler que l’objet, chez les excellents Coeur sur toi, se vend à une somme dérisoire. Idem chez Fifth Section Records, l’autre « boite » impliquée dans sa sortie.
Avant de passer à l’acquisition, qu’on ne regrettera pas, Prayer for the world et son hip-hop dopé aux six cordes charnelles, lo-fi et rêveur aussi, se distingue. The healing way l’imite, en s’en tenant à des sonorités moins brutes mais pas plus normées. Enfin Dakar special, aux sept minutes à la Ifriqiyya Électrique dans l’esprit, tribales et trippales, vient cingler une dernière fois, à coups de cuivres free et instrus autant racés que déchainés, nos écoutilles frétillantes de félicité. Ceci à l’issue d’un Empire atypique et dérivant, inspiré comme jamais, pour lequel il est bon et nécessaire de délier sa bourse.
Bandcamp Wolf City / Bandcamp Coeur sur toi / Bandcamp Fifth Section Records