Carver est un trio nantais, il inclut des ex-membres de Café Flesh (bigre!), Francky Goes To Pointe-à-Pitre (fichtre!) et Nihil (mazette!). On n’est déjà pas parti sur du tranquille, donc, et ça n’est pas pour nous déplaire. Le pedigree des trois hommes, à savoir Thomas Beaudelin (Guitare/Chant/saxophone), Nicolas Monge (Basse) et David Escouvois (Batterie), confirme: à leur actif, on trouve Bouncing in the yards, premier mini-album remontant à septembre 2019, puis ce White Trash qui lui non plus ne fait pas dans la dentelle sans, toutefois, bûcheronner gratuitement. La batterie matraque pourtant sans vergogne, sur l’inaugural Priests, de pair avec une basse grasse. La guitare place ses motifs, on navigue entre chant hystérique et saccades presque math. La cadence reste fusante, Carver boularde et rejoint les Condense et autres Doppler sur la matrice noise de ceux qui savent y faire. Il n’y a donc pas à s’en faire; on commence fort. Ca vaut mieux, l’ep inclut tout juste quatre titres et il importe de n’en foirer aucun. Ce n’est sûrement pas Calypso, deuxième vague plus hachée, qui suscitera l’inquiétude. Excentrique et allié dans ses voix, bifurquant à l’envi, Carver marque des points, serre les poings et part à l’assaut sans craindre la riposte.
Il faut certes le suivre, la route n’est pas balisée d’avance. Mais le voyage, secoué, ne se refuse pas. La furie d’ Everyone knew, galop noise aussi leste que de poids, fait tanguer l’habitacle. Ca percute, ça raffute. On ne viendra assurément pas, à ces trublions là, leur chercher des crosses. On leur gardera, en revanche, une place de choix dans nos collections de pièces hexagonales aux contours finis. Le terme noise ne suffit d’ailleurs pas à complètement les définir: au carrefour, à mon sens, de ce que ses hommes ont pu faire dans leurs combos antérieurs, il malaxe les genres et si sa base est noise, White trash doit au moins au garage, au math-rock ou à la fantaisie d’un groupe comme Le Singe Blanc. Solide, occupé à imposer sa patte, ce qu’il fait sans dénoter, il a la bonne idée de nous servir un quatrième et dernier morceau des plus fous, qu’il appellera The girl next door. Celui-ci suit la recette maison, intelligemment brute, pensée et turbulente.
Il cogne et retombe, fait des loopings, délire, fait danser dans le désarticulé. Des ruades noisy en sont, ses vocaux dévient. On est là aux portes de la fusion, dans un format furieux /ingénieux qui permet une issue heureuse. White trash sort sur quatre structures différentes, toutes au top de l’indépendance farouche et combative. C’est une ressource supplémentaire, Carver entérine ici des qualités qui certes ne surprennent pas dès lors qu’on a pris connaissance du parcours des acolytes, mais prennent pour le coup une forme nouvelle et follement singulière. Pour, au bout du bout de l’escapade tarée qu’est l’ep en question, mettre en avant un groupe d’un niveau pour le moins élevé.