Depuis 2005 et un premier album que j’ai de suite trouvé formidable, du style inédit développé dessus jusqu’à la voix nasillarde de son leader Alec Ounsworth, Clap Your Hands Say Yeah poursuit sa route, qu’il jalonne d’un nouvel album nommé New Fragility. Une oeuvre où l’Américain marie tristesse et colère, évoque tour à tour ses états d’esprit, « l’état de l’état » de son pays, les ravages de ce dernier (pollution parrainée, avilissement culturel), l’auto-médication et d’autres thèmes fournissant matière à réflexion. Pour cela et en parfait indépendant -l’homme a toujours refusé les contrats juteux-, il nous concocte de jolis écrins, certains délicats et merveilleusement joués (Mirror song qui brosse la pression des tournées, les dangers de l’auto-médication, et remet en question les motivations de poursuivre une carrière dans la musique), d’autres plus enlevés et magnifiés, nul n’en doutera, pas sa voix unique (Hesitating Nation, qui ouvre dans un tumulte grandissant au fur et à mesure que le morceau avance, mais sans imploser). Sur ce dernier, sensibilité exaltée du chant, donc, et guitares princières assurent la plus belle des amorces. Dans les meilleures dispositions, Ounsworth enchaine avec l’amère douceur de Thousand Oaks, qui m’évoque l’émotion mélodique d’un Six By Seven.
S’il a perdu, depuis ses premiers pas, en agitation jubilatoire un brin lo-fi, CYHSY a su perdurer en qualité. Ca n’est pas donné à tout le monde, Dee, Forgiven le voit d’ailleurs enchainer sur une trame faussement posée, « cordée », animée par une batterie lourde bien qu’éparse. L’éponyme New Fragility, dans l’instant qui suit, se faisant plus appuyé et si beau, comme de coutume avec l’artiste concerné, dans son décor. Alors qu’ Innocent Weight, orné lui aussi de cordes élégantes, monte doucement en intensité, atteignant sur son second volet des sphères où les guitares, à nouveau, s’illustrent grandement. Passé le Mirror song nommé plus haut, on a droit à ce CYHSY, 2005 porteur de cordes, c’est décidément une habitude, bien utilisées. On décèle, dans la chanson, des airs doucereux/enlevés à la Deus.
Sans fougue excessive -dommage, serai-je tenté de constater-, mais en affichant du brio dans ses arrangements, Clap Your Hands Say Yeah peut se faire folk (Where They Perform Miracles), dégager une expressivité qu’un picking acoustique embellit encore, proposer ça et là des passages plus nerveux. Il y en a, au final, peu. Trop peu à mon goût, ça conviendra toutefois à d’autres. Went Looking for Trouble n’en est apparemment pas, il s’enhardit toutefois clairement sur sa deuxième partie et porte comme nombre d’autres titres des motifs flamboyants. Une pureté dans le jeu, dans la voix, si singulière, qui créditent New Fragility et lui permettent de passer l’épreuve.
L’opus se termine avec le spleen piano-voix d’ If I Were More Like Jesus, qui nous donne l’impression qu’Alec joue à nos côtés, pour nous et sans fard. Son retour est probant, je continue malgré la bonne tenue de l’album à éprouver une vive nostalgie de l’époque débridée. Clap Your Hands Say Yeah évolue néanmoins, sans se trahir et sans aucune faute de goût de nature à ébranler un effort qui l’amène à ses vingt ans d’existence, dans peu de temps, avec une brillante discographie à son actif.