Parallèlement à la diffusion du documentaire «King Rocker» – film sur Robert Lloyd et The Nightingales – en avant-première sur Sky Arts en Angleterre, en ce mois de février, sort la réédition du «Pigs On Purpose» signé du groupe cité plus haut, sorti à la base chez Cherry Red en 1982. On la doit à Call of the Void, l’opus original s’accompagne de nombreux bonus (lives, démos première période, singles hors-album) et Stuart Moxham en assure lui-même la remastérisation. C’est dire si l’objet, culte et incontournable, sonne et trouve pour le coup toute sa portée, décuplée. Le bel LP bleu débute avec Blood for dirt et de suite le quartette de Birmingham tranche dans le vif d’un post-punk au tissu cold, de tout premier choix bien entendu. Un Four Against Fate accompli est paru en mai 2020, il voit les Anglais perdurer en impact, bien que globalement moins mordants et Pigs on Purpose, peu de temps après donc, étaye l’avancée du projet en l’affublant d’une série de morceaux mémorables. Start From Scratch est à placer, à l’instar du reste, dans cette catégorie. Le timbre de Lloyd, l’urgence du jeu et son minimalisme efficace échouent sur un rendu supérieur. Well done underdog offre même un a cappella magnifique, intense. It lives again convoque la cold-wave d’un Joy Division, se pare d’une vigueur punk. Complétée de telles compositions, l’actualité des Nightingales est, on peut le dire, à mettre en avant. L’avant et le maintenant se côtoient harmonieusement, ici The crunch et sa rythmique dansante en remet une bordée, suivi par The Hedonists Sigh et sa basse bien en chair.
Voilà le genre de disque qui m’incite, complet qu’il est, à m’arrêter à chacun de ses titres. Make good, bien nommé, se saccade tout en se montrant vivace. Pigs on Purpose n’admet « anyway » que l’excellence, Don’t blink freine mais reste valeureux. Remarquons en cette occasion que l’éventail du groupe, s’il met le « fonceur » en avant, a le mérite de se nuancer avec à propos. Joking Apart et ses « Tou-tou » chatoyants s’entoure de brefs plans dub, les morceaux sont des hymnes d’autant plus aisés à mémoriser qu’ils sont de durée réduite et sans complexité. Yeah, It’s OK est griffu, retenu. Use your loaf complète le tableau, fort de gimmicks accrocheurs. Blisters met fin à la partie album en traçant, basse une fois de plus ronde en avant, choeurs sauvages de mise. On ne peut, face à de tels essais, rester impassible. Influence majeure, The Nightingales volent au dessus de la mêlée, en instigateurs d’un son qui fera date. On approuve donc l’idée des labels impliqués, très souvent porteurs de sorties sans défauts.
Si on adjoint à ça la charrette de bonus, au nombre de seize, qui débutent par To Dachau (démo), riffeur à la Killing Joke d’alors, et se terminent sur une version live de Paraffin brain (le son, je vous le concède, n’est pas des plus clair: c’est le live, retenons tout d’abord la valeur de ce qui est joué), il va sans dire qu’on tient entre nos mains une « reissue » que tout fan de la mouvance visée se doit de posséder. A l’heure où on vante, de manière parfois justifiée, certes, les mérites de groupes actuels, il importe de rappeler qu’environs quatre décennies en arrière explosait tout un courant séminal, dont Pigs on Purpose est de toute évidence l’une des pierres angulaires. Je vous laisse pour finir le plaisir de la découverte des « morceaux-cadeau », trop affairé à l’écoute maladive de ces vingt-neuf chansons fondatrices. The Hedonist sigh (demo), à l’instant même, faisant gicler sa puissance post-punk émaillée de riffs aigrelets dans mon lecteur émoustillé par la délicieuse galette livrée en pâture à son plateau qu’Inside out, dans la foulée, avec ses bruits délirants façon cuivres malades et ses abords finauds, rassasie à son tour. Superbe ouvrage.
Site The Nightingales / Bandcamp Call of the Void / Site Fire Records