Duo de Fribourg en Suisse (comme ses compatriotes des Young Gods), B77 a d’abord tâté du rap et du beatmaking, jusqu’à ce qu’en 2017 Léo et Lucas, ses deux membres-geek à machines, reviennent respectivement d’ Australie et de New York. L’envie d’autre chose est là, s’impose et leur ami chanteur Muddy Monk les présente à son label Half Awake Records. Un premier EP s’ensuit (Fleur EP), en 2019. L’influence d’un MGMT ou d’un Tame Impala l’imprègne encore mais à l’heure où j’écris ces lignes, la paire s’est fendue de ce disque, The Wonderful Labyrinth of the Mind, qui la voit explorer les sons, et le dédale du psychédélisme, avec ingéniosité. A distance (Leo est resté à Fribourg, Luca est basé pour sa part à Lausanne), les deux hommes ont en effet conçu une sorte de…labyrinthe, au début solaire/cosmique sous la forme de The wonderful labyrinth, premier morceau nous renvoyant à l’ère des Beatles dans leurs effets psyché. Quelques voix, cinématographiques, en accentuant la portée. Les sons tombent en une pluie fine, les secousses rythmiques de The forest les laissent orner, de manière entêtante, un second titre tout aussi enivrant. On est, ici, entre chants réels et voix venues d’ailleurs. On est, surtout, dans des paysages chatoyants, imaginatifs, qui titillent le « spirit ».
Les helvètes font souvent bien, ça se confirme avec B77 qui, par ailleurs, tire son nom du Revox B77 qui traine dans son studio. Preuve s’il en est que les machines, en l’occurrence, président et tissent de bien beaux sentiers, tel celui suivi par The garden. Pop et animé, le morceau explore sans se perdre, là où d’autres imposent des tours et détours au bout desquels on repart se coucher. Point trop n’en faut: B77 aime, certes, la sinuosité. Mais l’habitué, j’entends par là celui qui depuis toujours ose l’écoute de ce qui diffère, ne s’y laissera pas larguer. The river, sonorités bien spatiales en son début, fait ensuite place à une lente envolée, (comme sous l’effet d’un) psychotrope. Une fois de plus, des sons « trippy » surgissent, ici ils assombrissent le tableau. Le savoir-faire, chez nos deux gars des montagnes, est visiblement inné.
The dark side (of the nature? On dirait bien…), plus loin, joue une pop acidulée, plutôt vive, qui s’habille de lumière et de voix enjouées, sereines. Un brin exotique, ses synthés la font reluire, à l’unisson avec ses vocaux. Nul besoin de s’abrutir à l’usage de substance; on a, pour décoller, B77. Le voyage est continuel, charmeur, espiègle et tortueux. The beauty en dévoile une facette étourdissante, versatile, aux mélodies d’antan. 60’s, 70’s également, passées au tamis d’aujourd’hui. The rainbow, dans une étoffe brumeuse, émerge alors. Les synthés font à nouveau sensation, déploient une palette large. Des chants d’oiseaux se font entendre. The moon, quelques salves psyché plus loin, traverse un cosmos apaisé, de couleur gris clair car lunaire. Des voix l’étayent, comme venues du lointain.
Il est beau, ce Labyrinthe de l’esprit. Et merveilleux. Il se dévoile, légèrement « Half Awake », à chaque écoute. Sans tapage mais avec de la vie, il instaure une virée mémorable. The clearing en assure la fin, ses chants vaporeux et sons à nouveau vrillés, purs et triturés à la fois, étendent l’impression de « décollage », d’embardée vers de nouveaux terrains. Ses effluves récurrentes, immersives, assurent et garantissent une addictive déstabilisation, ainsi qu’un rendu qui place ses auteurs dans la sphère, perchée, de ceux qui s’emploient talentueusement à façonner leur son propre.