Anciennement Crocdiles INC, avec à la clé 3 sorties de choix où Devo télescopait les Talking Heads sous le regard de Sloy, BBCC, soit BangBangCockCock, poursuit là où certains des membres originels sont restés en place alors que d’autres quittaient le navire. Sur ce deuxième opus qui voit le sextet débarquer chez October Tone, label de sa ville strasbourgeoise, on entre de plain-pied en terres kraut, psyché, que Human capital dévoile de façon tribale. Adrien Moerlen, chef de troupe d’un équipée a-normale, donne de la voix. Il est resté singulier, son timbre a gagné en velours. Le rythme se met, d’un seul coup, à tracer. Kraut d’Alsace, parfaitement mitonné. How the Fuck did she Survive the Nuclear Holocaust, cosmique, joue des volutes spatiales et entêtantes. On plane dans l’agitation. Kraut toujours, déviant encore. On l’aura compris: la dextérité est bien loin de s’être évaporée. Après Heidentum (juin 2015), le rendu gratouille, une fois de plus, le haut du panier. Secoué du bulbe, BBCC fait son SUUNS sur Mediocracy (Part I – Deathbed confessions). Il finira à la Clinic, du côté de Liverpool. Sa zik est psychiatrique, donc entièrement addictive. Les sons fous fusent, la traversée se jonche d’étoiles qui éclairent l’obscure trame conçue.
Les cadences changent et tournoient, se succèdent naturellement. Mediocracy (Part II – Protection from evil) laisse perler un mid-tempo groovy et délié à la fois. Ce bazar, en plus d’être de haut vol, se danse et mettrait presque en transe. Un certain T/O est de la partie, convié par le groupe. Ce dernier en tire visiblement profit, son champ d’action s’étend. Tiens donc, serait-ce Anne, l’élément féminin au chant de ce titre, de pair avec Adrien bien sûr? On a à peine le temps de s’en réjouir que Devotional Pattern, finesse psyché volatile, s’impose à son tour. Et dire que si, il y a quelques jours, je n’avais pas ressorti ma « collec » Crocodiles INC, je n’en aurais rien su. Je remercie au passage Herzfeld, l’ancienne « boite » recommandable de la clique, pour la précieuse information. Elle débouche, je n’en doutais que fort peu, sur des efforts considérables. Et une (re) découverte, donc, de tout premier ordre. Dans la continuité, le projet évolue. Régulièrement, des encarts nous emmènent ailleurs. Qu’il se débride ou fende un espace brumeux, BBCC fait incontestablement son effet.
En ce sens, le dit titre est exemplaire. Dépaysant, sacrément prenant. Heathen Waltz, où madame Ahlers chante à nouveau, sur un ton rêveur cette fois, s’élève lentement. Conundrum, saccadé, filtre une électro bruissante et virevoltante. On est à nouveau, et sans crier gare, propulsé dans des recoins inédits. Adrien Moerlen — Chant / Clavier, Francesco Rees — Batterie, Sebastien Metzger — Basse, Anne Ahlers — Chant, Stephan Nieser — Guitare et Paul-Henri Rougier — Claviers, rassemblés, sont visiblement au zénith de ce qu’ils peuvent produire. On parle peu, bien trop peu, de ce type de formation. Elle possède, pourtant, tout ce qu’il faut pour concurrencer n’importe quel opposant. Ici des cuivres free lacèrent le morceau, fougueux. Après ça Stampede (Call the Herd), entre chants hantés et sons folichons, balourde son groove irrésistible. Musicalement, on ne sait plus trop où se situer. Tant mieux, on sait de toute façon qu’avec ces joyeux drilles, on ne peut prévoir la destination. Stampede (Frenzy), d’un kraut appuyé, laisse entrevoir une fin d’album dérangée. Saperlipopette, à force de gigoter, j’en perds ma salopette! Happiness, chargé de conclure, arrive alors. Diantre, ça se termine déjà! Mais le trip fut dingue.
Alors, sous l’impulsion de ce titre au refrain simple et fervent, on boucle le voyage. On s’en souviendra, le morceau terminal s’affole sur sa fin et ouvre la porte à une pluie de sonorités frappées. C’est le bonus de fin, histoire d’enfoncer un peu plus profondément le son BBCC, encore, dans les caboches. Altered states of consciousness, bien nommé, est une réussite intégrale. On s’en ira d’ailleurs, après la descente, visiter la taverne October Tone, pleine de groupes dont aucun ne décevra. Comme quoi les baraques de chez nous, fiables et passionnées, n’ont pas grand-chose à envier à celles du reste du globe.