Ecrivaine (une trentaine de livres sanctionnent d’ores et déjà son parcours), Chloé Delaume vient de signer « Le Cœur synthétique » (sortie fin août 2020). « C’est l’histoire d’une fleur bleue qu’on trempe dans de l’acide », prétend t-elle et l’ouvrage narre les états d’âme d’Adélaïde, héroïne du dit roman. Romantisme déchu et désillusion, propos noir dans ce qu’il évoque en sont les fondamentaux et Les fabuleuses mésaventures d’une héroïne contemporaine, premier album de l’auteure, dépeint tout ça avec une légèreté que les écrins concoctés par Eric « Elvis » Simonet et Patrick Bouvet, 80’s et aériens, synthétiques, consolident joliment. Ayant déjà écrit (pour The Penelopes notamment, je me dispenserai de citer l’autre groupe concerné..) et chanté en duo avec Wilfrid Paris, Dorine_Muraille ou Sylvain Courtoux, la Dame n’est pas novice dans le domaine et ses trames séduisent, entre autres grâce à ce procédé d’opposition entre discours noir et étoffe plus -occasionnellement- « lumineuse ».
L’opus, de plus, raconte, vraiment, des faits dans lesquels on se reconnaîtra ou, tout au moins, qui interpelleront. RTT à Trastevere plane et, moins lourd qu’une plume, enfonce l’enclume du désenchantement. Ses boucles plairont, elles épaulent sans excès une diction posée. La faim justifie les moyens, plus enlevé, démontre qu’en optant pour la collaboration avec les deux hommes cités plus haut, Delaume, forte, aussi, de textes forts, a fait le bon choix. Vieillir, dit-elle fait presque penser à Suicide, la folie vocale en moins. Il obsède de par son refrain, s’emballe, enthousiasme, mais ne se dépare en aucun cas de ses mots sombres, lumineux pourtant de par leur inspiration. « Chaque jour tu sais que ça empire, tu vas finir par en mourir… ». Pas de quoi s’esclaffer mais très largement, ici, de quoi adhérer à l’effort musical en présence.
Cartomancie & cie s’en revient à des tons guillerets (dans le son), à la limite des rendus d’un Gainsbourg. Enflamme tes esprits, crame-les jusqu’à ce que plus rien il n’en reste, me dis-je à l’issue de l’écoute. Ca ira mieux. On se reconnaît, à l’occasion, dans les histoires de vie captivantes de l’album. Perdues d’avance met en exergue la solitude, le célibat et l’inénarrable « Ca va » asséné en réponse à des gens qui de toute façon s’en f++++++. Une fois de plus, diction et nappes de synthés, qui grésillent un peu et on s’en félicite, s’acoquinent pour un résultat notable. Tinder surprise, mazette il fallait y penser à ce titre, et puis il fait surgir, comme dans la vie, une leur d’espoir, dans le noir…
On ondule des épaules, de surcroit, sous l’effet des synthés (La fiancée de Wanda). Diantre, quelle insolence! Dansoter quand l’horizon n’y incite vraiment pas. Il le faut pourtant: Adelaïde veut pas vieillir. Ca lui fait trop peur, de mourir. Alors elle vit, Les fabuleuses mésaventures d’une héroïne contemporaine nous la rend attachante. Eponyme, alerte, accouple giclées sonores presque rock, voix guillerette et, parallèlement, plus figée. Ca fonctionne parfaitement, l’alliage est au point.
En fin de parcours (de vie), En chien remet en scène, parfaite illustration, des recoins dark. La voix est leur contrepoint, à la lisière de l’enjoué. Des effluves rétro s’échappent des titres de Delaume, dont aucun ne s’affaisse. Et pourtant, derrière leur qualité, il y a de quoi flancher. L’ouvrage, lui, tient debout. Fin de partie, bien nommé, le termine et affiche mauvaise mine, pourtant accompli et, à l’instar du reste, attirant. Les fabuleuses mésaventures mises ici à jour accouchent d’un disque attrayant donc, singulier, qui valide brillamment la décision de son autrice de mettre ses écrits en son.