Des projets multiples, un changement de personnel auquel on ne verra que du feu, celui du rock dru (exit Jean-Paul Roy, remplacé à la guitare par Luc Robène), un EP d’inspiration durable (Ca s’arrête jamais, octobre 2019). Et ce nouvel opus, Verdure, bien nommé car entièrement naturel, en phase avec l’attitude sans carapace du combo de Bordeaux. The Hyènes restent, plus que jamais, présents. Féroces, aiguisés dans leur appétit par une société malade. Celle-ci nourrit le verbe, élevé et lucide, sans trop de démonstration, d’un quatuor où Vincent Bosler (The Very Small Orchestra) : chant, guitare ; Denis Barthe (Noir Désir) : batterie, Olivier Mathios (Mountain Men) : basse et Luc Robène (Strychnine, Arno Futur) : guitare s’unifient et s’électrisent, fort d’une bordée de mélodies que les guitare et rythmes appuyés viennent fortifier. Du rock, du vrai, chanté en Français; le vrai aussi, celui qui dit des choses et contourne la mièvrerie de mots sans portée. Hel s’en fout ne nous laisse guère le temps de souffler, son début bluesy évolue vers un rock massif et ombrageux. Le rendu est charnel, le début idéal. Les amigos vont nous la jouer ainsi, ou presque, de but en bout. Bègles, un tube issu du giron local, pose une seconde poutre porteuse. La barque est campée, on y a érigé des murs solides car Verdure, sous son intitulé qui promet un temps apaisé, barde grave.
C’est du grave, d’ailleurs, qu’on y narre. Du préoccupant.Johnny vs Johnny, entre impact mélodiques, guitares aux jolis airs et fond bourru, balance un refrain qu’on entonnera à tue-tête…parce que les gentils, c’est nous. Diantre, on est parti là pour une suite de rocks de la meilleure cuvée. Celle du coin, tiens, à l’image de la sphère locale qui inspira ce Bègles bluffant. Ca s’arrête jamais, l’un des fleurons de l’ep précédent, prend la suite et fait péter l’orage. La rage aussi. Ca s’arrête jamais et la réponse de The Hyènes, efficiente, est de jouer. Fort. De mettre au grand jour, sous leur meilleur jour, tout ce qui nous file entre les doigts. Il y a donc à dire, les gaillards se montrent éloquents et insolents. Efface sonne pop et résonne rock, se couvre de sons de gratte qui nous font empoigner celle en carton, tandis que le saxo de Guillaume Schmidt y va de son encart…à la Psychedelic Furs peut-être? Je sais pas, j’ai l’impression…il faut dire, aussi, que j’aime beaucoup le groupe de Richard Butler.
Verdure, qui donne son nom à l’album, est lui aussi une « étincelance ». Clairvoyant dans le texte, rock bien sûr, mais d’une belle vêture, il clame avec sensibilité un constat amer. Puis Fucking Mondays, où l’Anglais crie un « wak’n’woll » fiévreux, s’installe lui aussi sur le trône. Urgent, armé comme d’autres d’un refrain à gueuler sans calculer, il nous fait franchir le seuil de la première moitié du disque sans la moindre seconde ennuyeuse. Je commence à penser, connaissant la clique aspirant à la Verdure – et on la comprend aisément-, que celle ci s’offre le luxe de nous refiler, en toute décontraction -apparente-, un grand disque. L’excellent Plus dark que Vador, parlant textuellement (« Existe t-il une couleur plus foncée que le noir? Ce qu’il y a dans nos têtes, nos yeux ne sauraient le voir »), instrumentalement insoumis, enfonce le clou. Suit Ici-bas, d’abord retenu puis débridé. Verdure contribue à notre lutte, âpre, contre un monde qui souvent révulse. The Hyènes, orageux, « contestants », se dotent avec cette sortie d’un superbe argument. Musical, sociétal aussi, sur les bords.
On en reprend donc, très volontiers, un nouveau godet. Samo, sur lequel il ne s’agit pas de relâcher la tension, ni la qualité de « lyrics » d’hommes qui voient juste, riffe fort et chante de façon intense. Sa fin noisy le ponctue magistralement. Mazette, z’ont pas fait semblant les bétails! Tu peux dormir tranquille, annoncent-ils sur leur onzième titre. Sauf qu’avec leur rock tout en muscles, quoiqu’un peu plus « climatique » pour le coup, on peinera à trouver le sommeil. D’autant que le morceau, mémorable, s’en prend à ceux qui cognent et ce faisant, brisent des vies. De bons gros riffs, à l’instar des beignes que les connards dénoncés dans la dite chanson distribuent, précèdent une terminaison percutante. On se dit alors et sans l’espérer que peut-être, Verdure se finira posément. Erreur! S’il avait fait beau, où Jean-Paul Roy est de la partie et s’en donne à coeur-joie, conclut avec force.
Au final, The Hyènes lie grammaire estimable, puissance du son, sens du tube immédiat, et largue dans nos occiputs jouissivement endoloris par l’écoute un Verdure sans rature, excellent de bout en bout. Dont même la pochette est réussie, histoire de consacrer un brochette de compositions à écouter en poussant le volume tout en prêtant attention, cela va de soi, aux textes de l’ensemble.