C’est l’bonheur à c’t’heure, La Phaze tape encore une phase et ça nous met en extase. Phas(z)e 1, la réédition du fameux Pungle Roads. Phas(z)e 2, un EP de trois titres, en prélude à l’album, qui attise l’appétit. Phas(z)e 3 et pas des moindres, ce Visible(s) ancré dans l’actualité, d’un point de vue textuel mais qui, dans ses sonorités, nous ramène aux grandes heures de l’indé français, époque Mano Negra, Spicy Box et tout l’toutim. Un document essentiel pour les délaissés, une beigne dans la sale gueule des dirigeants, et une amoncellement, magistral, de titres qui suintent l’ouverture et l’énergie. Ceci en ratissant large, normal quand on s’appelle La Phaze, musicalement parlant. Bon, on se fait déjà turbuler par Comme David Buckel, amorce rock trépidante à l’adresse de ceux qu’on rend peu…Visible(s), volontairement laissés pour compte. Puis par Avoir 20 ans, électro-rock aux cuivres Calexicoïsants. Un direct du droit dans le foie, un morceau aux guitares tranchantes aussi, qui parlera aux jeunes dont le quotidien se jalonne d’écueils concoctés par, une fois de plus, les guignols de la haute. Un bourre-pif décisif, à la fin duquel on comprend que La Phaze, remonté, castagne de manière pensée. « J’ai plus 20 ans! », clame le chant, appuyé par une refrain en Espagnol. Mais le rendu, lui, respire le jus et l’inspiration, en dépit d’un « balec » qui aurait pu à mon sens rester dans le placard.
Sourire au teint de glace, tout aussi concluant, malmène le libéralisme, générateur de vide et de fausseté, creuset de l’accroissement des inégalités. Notons, une fois de plus, l’attractivité des sons, la vigueur du bazar et la lucidité du discours. Un morceau qui tabasse et suinte une électro musclée dopée au rock, nous amenant naturellement à celui qui suit et met en exergue, pour sa part, le phénomène grandissant des violences conjugales. Un Tabasse qui passe par l’Orient dans certaines de ses sonorités, par l’indé de chez nous quand il riffe vicieusement. Colérique, incoercible. Puis on retombe dans la coolitude reggae, maîtrisée par La Phaze depuis belle lurette, quand arrive One way. Inutile de rappeler que ces gens-là, après 20 ans de présence et plus de 700 concerts aux quatre coins du globe, ont eu le temps de se régler. S’ils reviennent après une période prolongée, ils mettent le paquet et gagneront, ce faisant, de nouveaux adeptes.
Visible(s), de plus, s’éclaire aux rayons du reggae, de manière vivace, une fois encore cuivrée (Highly blessed). Les anciens ont encore la gouache, celle-ci est colorée en dépit des constats amers que dresse l’album. Comme s’il s’agissait, finalement, de danser sous les bombes, de rire face aux épreuves à gorge déployée. Sortie de route, empreint lui aussi de tonalités reggae, marque le passage cool du disque. On dit du grave sur des sons ondulants, Haute sécurité parle le retour au civil après l’enfermement et la solitude générée, destructrice. Là encore, les choses sont narrées sur un abord enjoué. L’énergie chute légèrement, l’attractivité reste à son zénith. Niko, de Tagada Jones, des gaillards également issus de l’ancienne école, celle qui porte des valeurs, vient agiter le shaker électro-rock de Cogne. Grosses guitares, refrain unissant, textes de nouveau parlants et chant poing levé: tous les ingrédients sont réunis. Il y a, dans ce titre, du No One. Personne n’est Innocent et La Phaze le clame avec ses morceaux calibrés pour l’insurrection.
Au terme de ce Tabassage en règle, Liberticide (feat. Lasai) s’en prend aux parleurs, aux trompeurs et paradeurs, dont le seul effet prégnant est d’encu+++ le Peuple. Hispanisant, entre rock et vocaux reggae encore, sur fond d’électro dosée, le morceau marque un fin d’album en trombe, faite d’une « bass music », comme le dit la bio liée à la sortie de la rondelle, flingueuse. Visible, nébuleux puis appuyé, électro (c’est, au final, le dit genre qui est ici globalement dominant), c’est le dernier mitraillage cinglant d’un tir nourri et pertinent, shooté aux titres élevés. La Phaze is back, dans les bacs comme dans les esprits, fort d’un Visible(s) qui le fera sortir de l’ombre pour le propulser sous les feux de la rampe. Il tombe à pic, on a plus que jamais besoin de lui et de ses Phas(z)es qui nous permettent, outre le bien-être procuré, de nous sentir plus forts, moins seuls, face à la décrépitude du monde qui est le notre.