Né de la rencontre « hors-pression groupale » entre Jérôme Coudanne, leader de Deportivo, et Robin Feix (bassiste et graphiste de Louise Attaque), Vertige s’essaye, conformément aux désirs des deux hommes impliqués, à « briser la pop », à en écorner le côté routinier. Populaire, l’album qui sort suite à l’EP Bipolaire, qui date de juillet dernier, est donc en phase avec les penchants explorateurs, libres de ton, de la paire. Si pop il y a, et c’est le cas, le créneau saute d’une vêture à l’autre, flirte avec la cold-wave, se pare même d’un certain exotisme qui orne l’inaugural Conduire, déjà dépaysant. Sur un ton délié, Vertige s’attaque déjà à notre équilibre, à notre confort habituel. Le but est de cheminer vers un ailleurs, en ce sens le disque est une réelle réussite. Ses morceaux restent, de plus, simples et accessibles quand bien même ils dévient régulièrement, parfois trop prudemment à mon sens. Bassonica, lui aussi presque « insulaire », offre une pop dansante que la basse fait onduler. Le livret de l’objet, de plus, est magnifique et ses mots, comme on pouvait s’y attendre de la part d’artistes qui lui confèrent une certaine importance, a une portée certaine. Acide renvoie la mélodie d’un Deportivo: on amalgame, ici, les atouts propres à chacun. La brièveté des chansons font que loin de s’y égarer, on les écoute jusqu’à leur terme.
La pop aérienne de Vertige (Glace), ses sons de quatre-cordes qui la…glacent joliment, sa nervosité au rimmel rock (un excellent Matinée aux petits sons obsédants), son panel ouvert suscitent l’intérêt. Projet à part, Vertige marie les voix (Tournesol) et les aptitudes. Zorro le fait renouer avec un cadre presque post-punk, où je le trouve plus probant encore que sur ses trames plus polies ou climatiques. Ces différentes tendances, mises bout à bout, forment un bon tout. On ébranle la routine, on diversifie les dynamiques et orientations. Les chants, pour le coup, se font plus « wild » et les sonorités d’ornement attrapent les sens.
SM est raffiné, on pourrait « bailler » mais comme dit plus haut, l’éventail du groupe permet que tout y trouve sa place. Galaxie est électro-pop, légèrement ombragé. Minimal, Vertige fait ainsi le bon choix. Sans poids en trop, en allant à l’essentiel et sans l’outrepasser, les morceaux toucheront l’auditoire. On aimerait même que le duo, en symbiose, parte plus souvent en vrille, s’enhardisse de manière plus franche et fréquente. Paname airlines souffle un vent de fraîcheur, de légèreté pop, mais reste avenant. Corcovado, sur un ton dark à la The Cure, exhale une ambiance prenante. Disintegration surgit dans mon esprit, ça tombe bien: Vertige n’est peut-être pas encore, tout à fait, dans le fait de Désintégrer la pop. Mais Populaire l’extrait de son socle et, fréquemment, l’honore. Chorus est fait d’une cold-pop qui aurait vu Daho et Joy Division croiser le fer, sans vainqueur au bout du duel.
Photo Anna Berthe.
Jazztrain, plus loin, réveille l’image d’un cabaret, enfumé. On y fredonnerait un jazz vaporeux, sobre, climatique comme le chante Jérôme. On sent la tension monter, sans hâte. Mais Vertige s’en tient à l’atmosphère de départ, racée. Nue, quatorzième morceau d’un opus généreux, termine sur une trame tout aussi dénudée (on évoque Young Marble Giants à l’endroit de Vertige, il y a en effet un peu de ça), dressant ce constat lucide: Mais rien reste. Non rien ne reste…
On n’acquiescera pas complètement; Populaire, de par sa douce folie, de par sa déconstruction pop au mitan de la douceur et de la déjante, est un album de choix. Un très bon début, même, pour une union prometteuse dont on attend, par la suite, qu’elle poursuive et accroisse sa déviance, synonyme ici de rendu qualitatif.