Délage est le projet de Till Hormann, crooner désenchanté mais qui nous enchante, présentement, à l’aide de ses « songs for bleeding hearts ».Son Twist and doubt, appelé à sortir le 18 de ce mois sur Field Mates Records, est son deuxième album. Avec Lukas Varady Szabo : claviers et choeurs et Marius Schwarz : basse et choeurs, l’artiste nous sert neuf merveilles entre synth-pop, peau cold et sons 80’s, aux influences diverses et magnifiquement ingurgitées. Son chant, doux et « défait », dans le sens où il véhicule une mélancolie qui finit bien vite par nous absorber, ajoute au charme de ces chansons splendides, ornées de claviers, donc, mais aussi d’une batterie simple, marquée. Il n’est pas difficile, quand résonne dans nos coeurs ce Alles brennt au sein duquel l’Allemand, avec son ton singulier, donne un cachet certain à l’amorce, déjà accrocheuse. De ces effluves déçues émane une forme de romantisme, pur et beau, qui lui aussi renforce l’opus. Tender love and care, basse bien cold en avant, fait lui aussi ressortir une sensibilité, suivant le velours vocal en écrin, et une magnificence musicale de nature à, encore, rendre Twist and doubt sacrément addictif. Ses guitares, avenantes mais racées, n’étant d’ailleurs pas en reste.
Sur des canevas minimaux, en convoquant le souvenir d’un Culture Club sur le dit titre, Délage, quand on dénoue le ruban, nous fait un superbe présent. Une bande-son pour la solitude, qui nous amènera pourtant au partage de ce son délicieux, à la communion autour d’une poignée de chansons imparables. Shopping mall, cold et plaisant de par ses synthés un tantinet surannés mais parfaitement investis, de par, également, ses « la la la » enjoués, tamponne à l’encre d’hier la belle impression qu’engendre l’ouvrage. Lequel, en outre, se démarque en posant un cadre intimement personnel. Letzter halt, aérien mais grave dans la voix, ponctué par une basse à nouveau en vue, fait tout aussi bien. On en est à la moitié de l’effort du trio, There is no god vient alors et à son tour nous cueillir les sens. Optimiste, dirait-on, en dépit d’un espoir écorné, Délage est au sommet de son art.
Sur la chanson en question, Line Arngaard épaule Hormann avec joliesse. Il y a un air de jazz, de cabaret, des ritournelles rétro qui resplendissent, sur la plage à laquelle succède Liebe ist rot. On est, derechef, sur un climat tristounet, épuré et vaporeux, qui se déploie lentement, comme à regrets. Avec l’assurance, au bout du compte, de tirer des flèches décisives vers les coeurs, et pas seulement ceux en peine. N’importe quel être doté de sensibilité, ici, succombera à ces chansons où le Français, sur le refrain, s’invite. Une fois de plus, le résultat est beau et fatal. Entiché, on tombe…amoureux, quand bien même Twist and doubt chante la désillusion. Amoureux d’une quasi dizaine de morceaux, tel Everybody’s in qui recourt lui à l’Anglais, parfaits. Délage ne s’y trompe pas, le vécu est souvent le meilleur des supports à l’écriture et à la composition. Ici, il tire l’album vers le haut, en partant du bas sentimental, et en réjouira plus d’un.
Photo Carmen Gray.
Au moment de partir, on a droit au titre le plus enlevé de la série. Heartshape, alerte et griffu, qui tourne le regard autant vers John Maus que dans la direction d’une cold-wave ou encore d’une pop 60’s « et pas seulement », arrangée avec maestria. Ou, aussi, vers des 80’s que le saxophone de l’ultime jet réinvite aux festivités. Twist and Doubt, ravissant de bout en bout, doté d’une vêture unique, est sans conteste et à mon humble avis l’une des sorties les plus accomplies, les plus « obnubilantes », de cette rentrée pourtant chargée en nouveautés.