Impressive!, aurait dit l’Anglais. No fancy chords, no flashy chops, no Juno synth, no guitars. L’album du bassiste italien Pierpaolo Ranieri est ainsi fait, il excelle et engendre un envoûtement continuel, large qu’il est, texturé à souhait. I am a peacock, c’est son nom, parcourt en effet un champ étendu. Sa basse y fait des prouesses, Who is god installe de suite un groove psych-funk alerte, passionnant. Si Ranieri joue évidemment bien, il s’appuie sur son instrument pour, avant tout et sans faire dans la démonstration, créer des climats et, presque, inventer un genre. Il se fait, de façon prédominante, atmosphérique, subtil et jazzy, porté par sa basse et des sons, des ambiances, sans égal (My instinct). Des voix interviennent, servant l’intérêt d’un ouvrage que je qualifierai de disque essentiel. Un effort qui, en tout cas, se démarque, s’applique à générer un rendu qui n’appartient qu’à son penseur. The future is, qui louche vocalement vers le hip-hop mais dégage une fumée bluesy, répétée, renforce mon constat. I am a peacock dénote…par rapport à toute sortie aseptisée. Inventif, diversifié mais jamais trop tortueux, il fait invariablement mouche.
Days of the blackbird, quasi-instrumental spatial, est voué à l’élégance, à une forme de psychédélisme dans la quiétude, perché mais abordable. Ranieri sait faire, des voix brèves ornent pour le coup ce morceau lui aussi de haut vol. I am a peacock fait écho à nos sens, à notre imaginaire mais prend également, à l’occasion, des atours physiques et charnels. Ses airs cinématographiques le renforcent, en asseyent l’accroche. The kingmaker virevolte, pose sa carcasse quelque part entre trip-hop, rock psyché acidulé, sonique, et sonorités qui permettent l’évasion.
L’album en est une, il suscite la fuite vers un ailleurs salvateur. Vers des contrées stimulantes. Sur le titre en question, des bruits à la !!! (Chk Chk Chk) épicent le bazar, étourdissant. Be good to me baby, entre blues sulfureux et touches soul, un brin mystique, frappe à son tour en pleine âme. Il en ressort une intensité palpable. Ranieri joue soniquement (Passage), plonge la foule vouée à le suivre, en l’occurrence, dans un puits gris. L’effet est saisissant. La trame est floue, étrange et pourtant, elle nous retient dans ses filets. Le titre éponyme, funky et groovy dans sa finesse, laisse également filtrer des rayons « psychedelic ». La basse slappe, génère à nouveau un milieu captivant. Il est rare, on en appréciera d’autant plus intensément l’opus, d’entendre de telles choses.
En toute dernière position, Crash parle jazz, feutré. Mais l’inventivité de notre Italien favori fait qu’à l’arrivée, on s’en entiche sans subir l’ennui parfois inhérent au genre. I am a peacock impose une série d’atmosphères déviantes, à l’attrait décuplé par le brio d’un musicien sacrément doué. Ce disque n’est pas juste recommandable; son achat s’impose, au « risque » de posséder l’une des réalisations les plus intéressantes du moment.