Le Japonais Hideki Matsutake a eu, c’est indéniable, une grosse influence sur la musique électronique de son pays et d’ailleurs. Ayant oeuvré auprès d’Isao Tomita, Ryuichi Sakamoto puis le Yellow Magic Orchestra en tant que programmeur et quatrième membre officieux du groupe, il sort en 1981 ce Venus. Il y mêle avec brio synth-funk, ambient et boogie, une touche de fusion jazz prédatant la vaporwave de 30 ans remonte le tout. Wewantsounds se charge aujourd’hui de ressortir ce trip étourdissant, accessible pourtant, remasterisé à partir des bandes originales. Merci à eux, l’opus est une véritable aventure et sans tergiverser, l’éponyme Venus nous met la tête dans les nuages et, s’adonnant à une valse cosmique déjà singulière, les sens en éveil. Le terrain est amical, plutôt posé. Les synthés brodent des trames décalées, semblent annoncer une pluie battante qui ne vient finalement pas. On reste dans des cieux un brin troublés, certes, mais amicaux. C’est avec Morpheus, au son duquel on est pourtant bien loin de s’assoupir, qui anime les débats. Matsutake sort des sonorités envoûtantes, entièrement, pour l’époque, inédites. A ce jour encore, leur portée est intacte. La traversée est secouée, barrée, mais, comme dit plus haut, jamais trop tortueuse. I love you, sur un ton doux, démontre à quel point l’artiste, visionnaire, a pu servir les travaux, plus tard, des courants électro. Et même, lorsqu’on écoute son génial Plan, rock et « kosmische ».
Le rendu est large, sans entraves. Wewantsounds, we have some! Qui aime les bruits en marge trouvera sur ce disque précurseur son âme soeur…sonique et sonore. Take a chance, fort de voix « robotiques »et d’élans funk issus de la sphère nuageuse, dénonce une évidence; les groupes « d’en ce moment » n’ont strictement rien inventé. Le face B de l’opus, qui débute alors, offre un Automatic Collect, Automatic Correct aux « po-po-po-po » qui, couplés à un déroulé délié mais vivant, à des insertions de sons magiques, psyché-tribaux, poinçonne notre ticket pour une épopée sans équivalent. On y trouve même, j’en jurerais, des riffs savamment détournés.
L’audition, qui ne peut se faire dans la négligence –Venus regorge de petits « détails » de taille-, révèle une rondelle légendaire. Be yourself, jazzy, funky, dansant, chantant aussi, respire la maestria musicale. Prophet, world, trippant, inqualifiable, l’imite sur le plan de la texture, hybride, captivante. Venus est psychotrope, la multiplication des écoutes poussera le quidam dans ses derniers retranchements. C’est le propre, le pouvoir, des albums les plus « poussés ». Metamorphism, sur un beat disco-funk alerte, sonne l’hallali: on capitule, terrassé par l’inspiration dingue de Logic System. Il est au préalable nécessaire, certes, d’avoir les écoutilles ouvertes et exercées. Mais l’effort en vaut la chandelle.
Equivalent (qui n’en a que peu ou prou), pour finir, présente une amorce sombre, aux voix loufoques, qui aurait gagné à se développer. Qu’à cela ne tienne, la réédition de ce Venus est magistrale. 40 ans après, ses conséquences en donnent à entendre, et à retordre, aux pseudo-innovateurs de notre ère (trop) hâtivement mis en avant par les médias. Si référence il y a, elle tient avant toute chose dans ces compositions avant-gardistes, piliers d’une mouvance qui doit beaucoup à ses « anciens ».