Made of rain, inspiré par un poème de Brendan Kennelly intitulé The Man Made Of Rain dans lequel une personne mourante a reçu la visite d’ « un homme fait de pluie », met fin à 29 ans, ni plus ni moins, de silence discographique chez les les Frères Butler and Co. Dont le dernier opus studio, World outside, remonte à 1991. Dominé par la mélancolie, à d’autres moments la colère, lesquelles guident l’écriture de Richard, il s’agit d’un disque où figure, renouvelé par une énergie et une inspiration décuplées, tout ce que sait faire le groupe. Voix éraillée, élans de saxo façon Mars Williams, bourrasques enfiévrées (You’ll be mine), temps plus mesurés: la patte du groupe est d’emblée posée, reconnaissable. The boy who invented rock’n roll, déjà possédé, ouvre d’ailleurs la porte, avec prestance, d’une forme de nouvelle jeunesse. Marqué, marquant aussi, il marie orage sonore, sax free, chant batailleur et saccades d’une rythmique capable d’investir n’importe quel terrain. Ces dernières années, les Furs ont pris part au Royal Festival Hall pour le Meltdown Festival, à la demande de Robert Smith de The Cure. REM ou les Foo Fighters, en cette occasion, ont chanté leurs louanges. Le besoin de faire du neuf, engendré par la sensation, en live, d’être devenu un « juke box », s’est imposé. On s’en réjouit, le début de ce Made of rain est magistral. Don’t believe, entre mélodies que l’organe de Butler fait exploser, recoins sombres et, comme de coutume, ce saxo libre de ton, vient le parfaire. On peine à croire qu’après tout ce temps, les Fourrures Psychédéliques puissent afficher une forme aussi ébouriffante. Et pourtant…
Wrong train, d’un rock tant sauvage, dans sa cadence, qu’exalté dans ses mélopées, chasse toute forme de doute. Le son, concocté par Richard Fortus (avec The Psychedelic Furs), un ancien de Love Spit Love -on est donc entre gens se connaissant-, Tim Palmer (David Bowie, tiens donc!, U2, Robert Plant) assurant le mixage, me renforce dans un ressenti bien ancré: ces sonorités, caractéristiques, ne peuvent être que celles des Psychedelic Furs. La température peut ensuite retomber, le climat s’assagir légèrement, prenant des teintes plus…climatiques (This’ll never be like love): le savoir-faire de ceux-là fait qu’ici, rien ne dénote. Ash wednesday, où les claviers s’incrustent, suit une voie peaufinée mais, en même temps, joliment tendue.
Plus loin, Come all ye faithful transporte de par ses notes dépaysantes. Puissant et voyageur, servi par pléthore de sons dont Tim Butler à la basse, Mars Williams au saxophone donc (grosse prestation), Rich Good à la guitare, Paul Garisto à la batterie et Amanda Kramer aux claviers ont le secret. Le velours rêche du chant de Richard enveloppe le tout, irréprochable. No-one, placé lui aussi entre mordant et touches subtiles, maintient le cap, sommet en vue. Qu’il est bon, qu’il est…unique, ce temps des retrouvailles! Me revoilà au temps où, jeune et avide de trouvailles, je dénichais Book of days, puis All of this and nothing (les compilations, à l’époque, étaient parfois le tout premier support à la découverte) pour, de suite, tomber dans la marmite. Je le concède, je préfère les Furs dans leur poussées rageuses. Mais la beauté de leurs essais, même élagués de toute puissance rock, force l’adhésion (Hide the medicine). Turn your back on me, dans un esprit semblable, fait lui aussi ses preuves. Il inclut, de plus, des parties annonçant, presque, la déferlante qu’on aimerait entendre.
On s’en tient cependant à des penchants mesurés. Ca passe sans forcer, Stars n’a alors plus qu’à finir. Il le fait entre quiétude et montées impulsives, dans un bel équilibre. Ce Made of rain est complet, nerveux, vivifiant, angoissant, racé et élégant aussi. En d’autres temps poli sans toutefois ennuyer, il ponctue, on peut le dire, un départ qu’on pourrait qualifier de nouveau. Ce dernier, dans le sillage d’un tel effort, remettra à sa juste place, au premier plan donc, un groupe régénéré, inspiré et inspirant, qui nous gratifie là d’un support de haute volée.
Photos Matthew Reeves.