Avant un « Die, Motherfucker ! Die !!! » plutôt marquant, prévu le 26 juin, Apple Jelly évoque avec Will Dum son parcours, l’album en question et ses perspectives d’avenir…
1) Bonjour à tous, j’ai besoin pour débuter d’un bon coup de projecteur sur l’avancée du groupe, que ne connais que depuis peu et par le biais de Him Média. Pouvez-vous donc m’éclairer sur le genèse de votre projet (naissance, parcours, sorties discographiques notamment) ?
Benn. : Apple Jelly a connu plusieurs vies. Au départ, le projet part de l’idée de faire une musique entre Kraftwerk et les Beatles. Tout un programme. Nous étions 3 à l’initiative du projet : Slip (plasticien), mon frère et moi. Nous avons toujours eu une approche particulière, dans le sens où l’inspiration ne venait pas forcément de la musique, mais aussi d’autres formes artistiques, voir historiques etc.
On a sorti deux albums. Le premier, « Home », nous a valu d’être repérés et de représenter la région au Festival du Printemps de Bourges. Le second, « NANANA Club », nous a permis d’avoir des morceaux largement diffusés à l’époque. Que ce soit en radios, ou dans des émissions de télé. Pour le reste, on a écrit une bio ; )
2) A l’écoute du nouvel album DIE, MOTHERFUCKER ! DIE !!!, prévu le 26 juin, j’ai de suite dansé comme un pantin désarticulé. Ca groove imparablement ! D’où tenez-vous ce sens du gimmick et du son immédiatement dansant ? Pourquoi, aussi, ce titre dans lequel, du haut de mon ressenti conséquent envers toutes sortes de choses, je me reconnais entièrement ?
Benn. :« Die, Motherfucker ! Die !!! » est un titre qui vient de mon amour pour le cinéma de Russ Meyer. Ce n’est pas très loin non plus de l’esprit de Tarantino, pour situer un peu ceux qui ne connaîtraient pas le premier. En ce qui concerne le côté dansant, j’ai toujours pensé qu’il fallait aligner le corps et l’esprit. Le corps est un vrai problème aujourd’hui. Les gens sont assez mal à l’aise avec leur corps. Ils en ont peur, ils en ont honte, ils le sacralisent, ils le sanctuarisent, et la nudité est devenue quelque chose d’inconcevable. Jusque dans les vestiaires des salles de sport. Personnellement, je me sens très proche des danseurs qui considèrent leur corps comme un outil qu’il faut apprendre à maîtriser, mais aussi à laisser aller. À lâcher-prise.
Fat Kick Jo : Cela vient sans doutes de nos soirées endiablées, passées à danser nous même sur le son d’autres groupes qui ont su nous influencer à une époque, mais surtout de faire une musique que nous aimerions entendre nous même pour s’ambiancer.
3) Je perçois aussi très nettement, casque sur la trogne, l’influence d’un LCD Soundsystem. Est-ce pour vous un repère, une base pour l’élaboration de votre propre univers sonore ?
Benn. :Pour cet album, oui. Plus qu’LCD Soundsystem, c’est toute la scène !!!, Hot Chip, Gossip etc… qui est invoquée là-dedans. Après, je suis vraiment français culturellement. J’espère qu’on retrouve aussi ces marqueurs sur le disque.
Théo : C’est Benn qui m’a fait découvrir ce groupe, j’étais assez éloigné des influences liées à Apple Jelly avant d’intégrer le groupe. J’ai accroché tout de suite avec LCD Soundsystem. Un subtil mélange, très groove, très transe! J’adore.
Axel : Effectivement, c’est un groupe qui revient souvent lorsqu’on aborde l’esthétique musicale du groupe. On peut y retrouver beaucoup de similitude, par les synthés employés, la manière d’aborder le chant, ou encore la rythmique. Au-delà de ça, je crois qu’il y a une sorte de fascination pour la synergie artistique New Yorkaise de la période d’LCD Soundsystem qui a profondément marqué et influencé le projet.
FKJ : Clairement une influence majeure en ce qui me concerne.
4) A quelques semaines de la sortie de l’album, comment vous sentez-vous ? Je suppose que l’attente est assez fébrile… 🙂
Benn. : ne m’en parlez pas ! Je suis mort de trouille. Comme un papa qui attend son nouveau né 😉
FKJ : Cette sortie arrive dans un climat que nous avions imaginé à l’époque de l’enregistrement, à croire que les éléments se sont mis en oeuvre pour nous donner raison de parler d’urgence à vivre notre vie dans un climat de fin du monde….en dansant !
Théo : Impatient, mais pas fébrile ! L’album est très cohérent et il y a tout une histoire qui vient avec.
Axel : Cela fait un petit moment que cet album mature et le besoin de le dévoiler se fait clairement sentir..
SLIP : Très, on attend cette sortie avec impatience.
5) Comment s’est déroulé l’enregistrement ?
Benn. : Une bonne partie des prises ont été faites chez moi, par mes soins. La basse et la batterie ont été enregistrées au Studio E, à Ecotay l’Olme. Depuis le début, je travaille avec Bruno Preynat. J’ai eu du mal à trouver un vrai ingénieur du son, capable de mettre en son mes idées. Bruno cumule beaucoup de qualités : il est humble, très cultivé, très pragmatique et à l’écoute. Je vois pas mieux ; ). Il a mixé l’album une première fois, il y a quelques années.
Puis, pour des problèmes personnels, j’ai dû mettre ma carrière musicale entre parenthèses. Lorsqu’il a été question qu’on reparte sur les routes pour enfin sortir ce disque, Bruno m’a contacté pour me proposer de retravailler le mix du disque.Et franchement, il a fait un boulot exceptionnel, comme d’habitude.
FKJ : Sur une période assez étendue, quelques expérimentations, des questionnements et beaucoup de remises en questions pour au final se rendre compte que les propos étaient sans doutes précurseurs déjà, tout prend son sens aujourd’hui.
6) Vous êtes lyonnais, j’avoue adorer cette ville pour sa pléthore de groupes de qualité, parfois bien décalés. La cité de l’Olympique Lyonnais et sa scène fournie ont-elles un quelconque effet sur vous ?
Benn. : Très honnêtement, non. Je ne peux pas dire que la ville de Lyon a une influence directe sur mon travail. On nous a assez reproché de justement être très différents des autres productions de la région. Quand je cherche une idée, je suis plutôt du genre à me renfermer, à partir dans un endroit reculé, sans internet, et sans réseau téléphonique.
FKJ : Pas vraiment niveau foot, pour ce qui est des groupes il y a effectivement un gros vivier, quelques groupes qui nous ont fait rayonner et dont je suis assez fier pour la plupart (Pomme, Le Peuple de l’Herbe, High Tone…).
Théo : Oui ! Le Sonic, le Chromatique, et les autres scènes lyonnaises m’ont permis de découvrir Abschaum.
Axel : On ne peut nier l’influence de la scène locale sur le projet. On est forcément amenés à un moment donné à s’y intéresser, au travers d’un co-plateau sur une scène lyonnaise ou encore par curiosité lorsque l’un de ces groupes se produit. C’est motivant d’observer de jeunes formations grimper les échelons petit à petit et d’étudier leur matière de communiquer, de bouger sur scène et plus généralement l’angle par lequel ils développent leur projet.
7) Chroniqueur musical inlassable, j’avoue que la découverte d’Apple Jelly compte pour moi, aimant beaucoup LCD Soudsystem et votre son à la croisée des genres et époques. Quelle crédit accordez-vous aux retours des médias sur votre travail ?
Benn. :Au moment de la création, aucun. Je ne pense pas du tout aux médias, ni même au public. Je ne me mets à produire que lorsque j’ai quelque chose à dire. Et je suis laborieux, très laborieux ;). Maintenant que nous sommes en période de sortie de titres, je suis particulièrement touché par ce qu’il se dit sur le disque. Une mauvaise critique, même issue d’un tout petit webzine à 200 abonnés, peut me travailler des jours durant. Je suis hypersensible et dans cette période, je me sens très vulnérable. Alors faites attention à ce que vous allez dire : si c’est pas bon, je risque de faire remonter en bourse l’action du Prozac ; )
FKJ : Toute critique reste constructive et les médias savent se montrer objectifs et bienveillants à notre égard en général.
Théo : Le retour de médias est tout important que celle du public ! Ca réagit plutôt très bien pour l’instant.
Axel : C’est un aspect non négligeable. Les médias sont submergés de musique chaque jour et le simple fait d’obtenir un retour, positif ou non, est à chaque fois une petite victoire.
8) Qu’avez-vous prévu pour défendre votre disque sachant que la période actuelle, délicate, ne favorise pas la tenue de concerts ?
FKJ : Préparer le retour au brassage des corps et des énergies dans une orgie musicale comme nous aimons les animer. Nous sommes très confiants quant à l’avenir du live malgré tout, et puis le thème de l’album correspond bien à la situation. Si nous devons tous fêter la fin de notre monde, alors autant le faire lors d’un live d’Apple Jelly.
Axel : On est en train de réfléchir à une manière de faire vivre cet album sans le live, en développant nos réseaux sociaux ou encore en cherchant des concepts nous permettant de transmettre notre musique. Ce n’est pas facile, car pour Apple Jelly (et pour plein de groupes d’ailleurs) le live a toujours été au centre du projet. En ce moment on maintient un rythme de répétition soutenu pour ne pas perdre la main, on teste de nouvelles choses, on réarrange. Paradoxalement cette période a aussi du bon, on prend le temps pour préparer la suite.
SLIP : On réfléchit beaucoup à des formules alternatives pour présenter l’univers du groupe, que ce soit de manière virtuelle ou réelle. Sur les réseaux, on développe notamment notre univers au travers de blips, de très courts instants vidéo mis en musique. Dans la réalité, on s’adapte au jour le jour pour faire connaître la musique. Ca passera forcément dans un premier temps par du live sur les réseaux, sans public même si c’est loin d’être la formule favorite du groupe.
Benn. : Je dirais qu’on cherche toujours. C’est pas évident, mais on a de l’espoir, on est optimiste. On a pas mal d’idées, mais c’est encore un peu tôt pour en parler.