Retiré au Maroc suite à la perte de son père, ce qui l’a amené à se mettre en retrait de son groupe Your Favorite Enemies chroniqué par ailleurs dans ce webzine, Alex Henry Foster a mis à profit ce temps d’exil pour, sur une base qu’on imagine aisément tourmentée, enfanter ce Windows In The Sky intime, beau et déchiré, déchirant aussi, très immersif. Fait de longs morceaux qui flirtent avec le post-rock sans en intégrer le côté lassant, l’opus crache, tout à la fois, mélancolie, colère -sonique- et temps d’introspection superbement relatés par, sur l’amorce de l’objet, un magnifique The pain that bonds (The beginning is the end). A l’intérieur de recoins noirs, notre homme chante l’angoisse, dresse des panoramas sonores étourdissants de beauté qu’il s’empresse d’entacher par, de façon régulière, des attaques auxquelles les guitares, tout en nerfs, donnent du cachet. Sa voix narrative porte, accouplée avec un fond dérangé. Le morceau, sous couvert de chant presque serein, part dans un fracas noisy. Mazette, c’est déjà, tout ça, prenant en diable. Dans les zones où s’invite l’allégorie, Foster trouve de façon audible une inspiration conséquente. Winter is coming in, explicite, exhale un éclat post-rock à l’implosion qui s’annonce. Le registre est d’autant plus crédible qu’il est, en l’occurrence, personnel jusqu’au bout des mots. Puissants et enjolivés, les morceaux livrés sont tout simplement de haute volée. On y met quelques cordes, on y inclut aussi des sons dont l’auditeur n’a pas coutume.
Ca fonctionne à merveille, l’évocation est partout où sonnent les mots, ou résonnent les notes. C’est souvent dans la douleur qu’on signe ses meilleures oeuvres, le constat ne se réfute pas et Windows in the sky l’accrédite parfaitement. On n’a de plus aucune peine à suivre l’artiste dans sa démarche, dans ses longs essais car ceux-ci tiennent en haleine de A à Z. Shadows of our evening tides, de son doux-amer saisissant, renvoie une beauté confondante. The hunter (by the seaside window), fort de touches rock et accords obsédants, de cette voix presque chuchotée à l’oreille, lance des zébrures soniques et émotionnelles d’une belle écorce. Les encarts noisy, une fois de plus, balafrent le « track » de manière marquante, succédant soudainement à des plans purs. Le chant s’emporte, étourdissant de douleur et de ferveur. D’Amour. Des voix d’arrière-plan décorent avantageusement l’ouvrage, tumultueux.
Le climat s’apaise avec Snowflakes in July, sous-tendu certes mais exempt d’envols rageurs. Les vocaux y font merveille. De sa beauté à nu à des excès bien trempés, Windows in the sky sera amené, j’en ai la certitude, à rafler toutes les distinctions. Dans la sphère, je l’espère et y appelle, indépendante. Pas chez les usurpateurs prêts à bondir sur le désarroi de l’autre pour en faire leur choux gras. Summertime departures, nouvelle image tout en splendeur lacérée, impose des stridences brusques, suivies de retombées que relaie, derechef, le courroux des guitares. Le rythme s’y emballe, souligné par une intensité rock impossible à endiguer. Foster expulse, évacue et ce faisant, pense un disque largement au dessus de la moyenne requise. Un coup de maître, ouvragé et peaufiné, à l’image de tout ce qu’il fonde. Lavender sky visite une pop amère, nacrée de bruits bien trouvés. A l’opposé du faux-semblant, l’album conjugue sincérité et prestance dans l’arrangement, dans le façon d’allier excès et magnificence.
Son écoute est de fait exigeante, il importe de rester investi. Ce n’est guère difficile; tout, ici, concourt à retenir le quidam. The love that moves (The end is beginning), en conclusion, se boursoufle dans une virée spatiale et bruitiste. J’y pense à Explosions in the Sky, c’est d’ailleurs à une explosion dans les cieux que le titre en question me fait penser, ou encore à Godspeed You! Black Emperor. Magistral, Windows in the sky charme et bouscule, malmène et accueille, dans des contrastes superbement travaillés.