Quelle ne fut pas ma surprise, en traînant sur…Instagram, de constater que A Place To Bury Strangers mettait à disposition en ce 1er mai, sur son Bandcamp, une flopée d’inédits, de démos, de faces B et autres trésors incontournables pour le fan que je suis. Sans équivoque, brossant une période allant de 2003 à 2017 -le panel est donc large et exhaustif-, Rare meat-Demos and rarities 2003-2017 débute sur un son « maison », bruitiste, shoegaze et léger dans le chant (I walk away). D’emblée, on plonge dans la cave noisy, dans les dérapages chers à Oliver Ackermann et consorts. On retrouve tout ça avec joie, on se rend de plus vite compte que le contenu, excellent, n’aurait pas dénoté sur un album studio. Hit the ground, bien nommé (sorti d’un single avec Keep slipping away), enfonce encore un peu plus profondément l’auditeur dans les tréfonds du rock noisy, façon Psychocandy de qui vous savez. Un petit break porté par la batterie arrive, puis le déluge se déverse à nouveau. La surprise arrive avec Sunbeam, du premier album, livré ici en sucrerie dream-pop/shoegaze à la My Bloody Valentine dans ses instants les plus « pop ».
Avec grand bonheur, APTBS casse l’élan du « tout bruit » impulsé par le début du recueil. Ces airs rêveurs lui vont de plus à merveille. La transition est magnifique, on peut après cela repartir sur une perle tirée d’un maxi sorti en 2006; Never going down, noir, bruissant. I Can Feel Your Heart Inside My Head, extrait lui d’un vinyl 2 titres sorti en 2012 chez Dead Oceans, se montre digne des meilleures cuvées du clan: extrême, sonique, sans concessions.
Get Away From Me, trouvé sur le même type de format mais datant de 2015, éclaircit un peu l’horizon. Ca permet une belle cohérence, entre déflagrations incoercibles et penchants modérés bien qu’empreints de zébrures dont Oliver Ackermann et Dion Lunadon, notamment, ont le secret. Pretty empire, tiré du même vinyl, se situe d’ailleurs au mitan du bruitisme poussé, option shoegaze déviant, et des velléités pop du groupe. Et voilà que se pointe Easy life, d’un éclat pop claire majestueux, offert à l’origine avec le Fractal Press Magazine de mai 2013. A l’écoute, le bonheur est total; APTBS ne sert, en aucun cas, de l’insignifiant. Ce sont de vraies perles, en nombre, qu’il nous offre là.
Don’t stop, saccadé, batterie en rafale à l’appui, quitte la route sur le plan sonique. On aime, le groupe sait faire mieux que quiconque. A ces élans déviants, on associe un chant sensible et ça aussi, ça prend sans forcer. Don’t save your love, dont la provenance m’est inconnue, lacère l’espace. La balance entre chant presque pop, bien qu’un tantinet cold, et orage sonore est savamment ajustée. Ici encre on breake brièvement et la batterie relance la tempête dont, régulièrement, on se délecte ici. Burning Plastic, figurant à l’origine sur un 2 titres de 2014, suinte une cold-pop fine et vive, éthérée; un enchantement total qui confirme que A Place To Bury Strangers, quand il retombe et délaisse quelque peu ses pédales d’effets pour aborder des territoires éclaircis, reste sur les cimes. For Frederyk, que j’avoue ne pas connaître, se balade en eaux psyché, lent et gris.
L’éventail est complet, addictif. On remercie bien évidement les Américains d’avoir eu l’idée, louable, de compiler toutes ces raretés. Il y en a tout de même 15, ça n’est pas rien. Annie rise et sa cold-wave aux guitares une fois de plus bruissantes, se termine dans une brume psyché qui gronde et dévie. Raiser, issu du même support que le Easy life cité plus haut, en constitue le parfait opposé. C’est la cascade, nourrie, drue, millésimée APTBS.
Enfin It’s A Fast Driving Rave Up With A Place To Bury Strangers, venant du maxi Ego death (2010), sonne comme une démo à l’expérimentation aride, pluie sonore et crachin des guitares en « nappage », au moment de conclure. Bien plus qu’un simple amas de titres difficiles à dénicher, Rare meat-Demos And Rarities 2003-2017 est largement de la trempe d’un album et permet à l’auditeur de trouver sur son parcours un série irréprochable de morceaux de haute volée, à l’image de tout ce qu’a pu entreprendre le groupe concerné.