Duo de Zurich et Lugano, en Suisse donc, Bitter Moon se compose de Réka Cslszér et Simon Bernardoni. Ensemble, ces 2 là sont allés penser leur premier long jet, ce The world above fait de vignettes sonores évocatrices, dans les alpes de Suisse Italienne. Dans un premier temps préciserai-je, sachant qu’ensuite, les compositions ainsi enfantées ont transité par les collines de Lisbonne jusqu’à aboutir…à une collaboration avec Jacco Gardner qui venait d’achever, de son côté, son album Somnium. A base de bandes magnétiques, d’un Optigan mourant et de synthés analogiques, le disque, qui reflète joliment le terme d’ « Audiocinema » souvent employé pour décrire le son de Bitter Moon, a donc vu le jour. Très « paysager », en effet, il dégage une beauté de celles que l’on contemple, en silence, dans le cadre montagneux.
Ses titres, entres instrumentaux aux airs de vignettes sonores et plages chantées (on pense à Sigur Ros quand se présente Formlos et son chant angélique) merveilleux, forment un tout qui charme l’esprit. Des synthés nuageux accostent (Zenos paradox), une électro sombre et « kosmisch » prend les commandes. On a de suite la sensation de naviguer entre les cimes, dans un réveil à peine effectif. L’effet est déjà implanté. Le bien nommé Images, fort d’une voix caressante, d’un mid-tempo avenant, confirme l’adresse de Bitter Moon à concocter des pièces à l’attrait certain. Son registre est cosmique mais sans temps creux, « absorbant » pour tout auditeur désireux de s’en imprégner. Spurlos, joué comme dans un rêve, accroît l’impression de voyage mental qui émane du disque. Eva, dans ses pas, génère le même ressenti.
L’impact de The world above réside là, dans sa propension à sortir le quidam de ses repères habituels. Un chant épars lui intime de s’oublier, l’incite au lâcher-prise. Le Formlos décrit plus haut en ces lignes, en ce sens, le fera capituler. Les tissages synthétiques sont de plus magiques, obsédants. L’éponyme The World Above les met en exergue, il ne s’étend cependant guère et Gloria dépayse son monde de façon sereine et diaphane. Bitter Moon joue des trames à la brume récurrente, installe des boucles à la simplicité désarmante (Still Stiller), pas loin de l’ambient mais en restant dignes d’intérêt.
Immersif donc, The world above est en effet de ce monde de l’au-dessus, qu’il dévoile et nous fait par la même occasion découvrir. Kontaktseinheit est son dernier polaroïd, orné d’une voix off en Allemand, issu d’une embardée intersidérale sidérante. Ses « dommages » mentaux sont avérés, ils ont un effet de purge et purifient l’esprit, le libèrent du tourment en lui imposant un trip définitif, dont on émerge avec peine et lenteur, pour au final se retrouver rasséréné. Et conquis.