S’il y a des choses qui font du bien en cette période pour le moins complexe, c’est bien une nouvelle cuvée Princess Thailand! Attendue impatiemment, co-portée et colportée par 2 labels de choix, A Tant Rêver du Roi et Luik Records, celle-ci a pour nom And we shine (c’est loin d’être une tromperie), présente 7 titres rutilants et nous rentre dans le lard autant qu’elle peut, en d’autres zones ombrageuses, se faire plus bridée, plus lancinante en conservant toutefois l’intensité inhérente au combo toulousain/parisien. On y retrouve le rock tout en nerfs du sextet mené par Aniela Bastide et celle-ci, en félin vocal, porte ses premiers coup de griffe sur First time. On sent, de suite, la menace monter, l’explosion poindre et s’annoncer. La noise du clan mord, se retient, son chant sensuel mais aussi très dissident lui donne de l’ampleur. Des vagues de guitares vicelardes, une batterie syncopée l’épaulent. On est sans plus attendre cloué au sol et en parlant de saccades, de dosage au bord du ravin, d’implosion imminente, Sonar se pose en tête de gondole, fièrement exposé. Il y a du Siouxsie là-dedans et on sera bien peu nombreux à le déplorer. Le refrain, à l’instar de celui du morceau « ouvrant », est de ceux qu’on braillera sans regarder à qui nous entend. Sa fin puissantissime, sous le joug d’un Jean Pellaprat qui bastonne comme un boxeur, terrasse à son tour l’amateur de rock noise, de post-punk et de colère jouée, et mise en son, avec maestria. And they shine, ostensiblement, ces 6 là. In this room, exotique en son début (la flûte de Yann Voegel y resplendit), va même loucher sur la pop, qu’il sertit de mélancolie et de reflets psyché. C’est magnifique comme un téléphérique, depuis lequel on voit défiler des paysages à la joliesse tourmentée.
C’est un peu de ça qu’il s’agit sur le morceau en question, subtil et sulfureux, léger et pourtant d’envergure. La vapeur presque shoegaze des guitares, les frasques noisy de Pat Jeanson et JB Mancave, y insufflant ce surplus de souffre, de vice stylé, qui fait percher la balance du côté favorable. Et ce n’est certainement pas Nowhere, placé en plein mitan de ce And we shine, qui me fera médire. Maxime de Guibert ponctue l’effort de sa basse en vue, les assauts noise déferlent. En vagues, en flux tendu et réitéré. C’est du rock guerrier, bruyant autant que distingué. On adore, c’est pour nous un peu de l’or.
Du rock qu’on aime, aussi, quand il retombe (l’éponyme And we shine et encore une fois, le mensonge n’est pas de mise). On entend néanmoins, derrière, une « latence ». La voix songeuse se tait, les instruments prennent le relais et bâtissent une trame noisy à la Sonic Youth. On n’est jamais tranquille, Princess Thailand n’a de cesse de jouer avec les dynamiques, avec les émotions, à jongler avec les climats pour les associer, finalement, adroitement. Le tout saupoudré de tirs de grenades soniques comme celle, irrésistible, qui défigure l’excellent Night after day. Le titre donnant, à lui seul, une idée déjà précise de son contenu. Le groupe, c’est désormais établi, peut aller jouer dans la cour des grands; personne ne lui cherchera misère. Il y tiendra son rang, fort d’un répertoire aux répercussions fatales pour la concurrence.
Un orage vocal et instrumental « fait maison » mène la chanson à terme, à ce moment il nous reste un ultime titre à nous injecter. Celui-ci, un Into her skin (ah bah tiens, en parlant d’injection..) ambiancé, dépaysant, expérimente. Le chaudron commence à bouillir, les sons renouvelés obsèdent le cortex. Un trip noisy survient, le silence lui fait suite. Au bout, on tombe sur un dernier jet bruitiste, en conclusion d’une fournée qui, comme on pouvait le prévoir, assied ses géniteurs sur les cimes et consacre un And we shine parachevé, tempétueux, beau et impulsif, à écouter intempestivement.