Venu de Vancouver et formé par le chanteur Brian Gustavson, Spectres a sorti 3 albums indépendants, tous ressortis par Artoffact Records qui accueille aussi, comble du bonheur, ce Nostalgia génial, positionné entre post-punk, deathrock, pop et shoegaze. Ceci avec tellement d’entrain et d’intelligence dans le jeu que très vite, on se plie à un disque qui, je le pressens, bousculera bientôt la hiérarchie musicale. Sa posture au carrefour des styles nommés, unique, éclatant dès The Head and the Heart qui ouvre le bal. Ferveur deathrock, sons pop émanant des 90’s, ombre cold et allant post-punk, voix à la Morrissey (dans ses moments les plus alertes), tout ça entre en collision et concourt à identifier Spectres, qui s’apprête à nous livrer 9 titres de la meilleure des cuvées. Dont Dreams, post-punk 80’s dans les veines avec par dessus ça une entraînante mélancolie et une brillance pop très classe, nous ressert une belle louchée. Avant que When Possessed Pray, à la fois cold et lumineux tel un « track » de New Order mais avec des reflets 90’s, nous rende addicts du breuvage Spectres. On a la sensation, à l’écoute, d’entendre pléthore de combos inscrits dans l’histoire indé, des late 70’s à nos jours. C’est pourtant Spectres, fiévreux et élégant, qui construit là sa propre charpente, solidement scellée. On a de plus la joie d’entendre, ça et là, des voix qui se répondent joliment. Ou de se prendre une tornade deathrock dans la trogne, qui met de la rage dans un opus déjà enlevé (Pictures from Occupied Europe).
Il y a du style, donc, dans le travail de Spectres. De l’alerte, de la foudre, de la mélodie. Du clair et du sombre. Des gimmicks fatals (Years of Lead), des guitares cristallines qui charment sévère ou crachent leur accords frontaux. Nostalgia fait de l’actuel, rénové, avec du vieux dont il tire le meilleur. Ca m’enchante, je retrouve dans cette rondelle magique tout ce que j’aime, tout ce qui m’a amené à me passionner pour l’indé indélébile. Comme la trame cold de Fate (superbement poppy, tout de même), décorée aux motifs 80’s.
« On va pas s’mentir », comme le dit l’expression hypocrite habituellement employée chez nous: Nostalgia est une pépite. Insurgence, deathrock des plus pénétrants, en accentue l’ampleur. J’en jubile, à l’heure où le confinement « at home » tend pourtant à générer une certaine forme de morosité. Mais il nous reste le son et sur ce point, Spectres nous régale sans nous refiler la gale. On ne résistera pas à l’appel de The call, pop et noisy, 80’s dans ce qu’elles ont de plus mordant et mélodique, un tantinet cold aussi. Il est rare qu’un groupe parvienne à une synthèse, aussi personnelle et aboutie, entre les genres et ères.
Along the waterfront, pétillant et élégamment post-punk, dont la basse régule l’avancée, étale une dernière fois le talent des messieurs issus du DIY Punk underground. Il affiche, de plus, l’énergie incoercible qui anime Nostalgia, et se pare en sa fin d’une ouverture/accélération enfiévrée qu’on ne peut qu’acclamer. L’effort n’est pas seulement réussi; il excelle dans la constance, frise l’excellence, fort de ses morceaux fringants et fougueux.